Interrogation n Le métier de survivance des temps de vaches maigres pour plusieurs familles sera-t-il annihilé avec l'amélioration sensible de l'alimentation en eau potable ? La mise en service partielle, hier, du projet de transfert d'eau à partir du barrage du Cheliff vers le couloir MAO (Mostaganem-Arzew-Oran) marque l'événement à Oran où les regards se tournent, interrogateurs, vers le métier controversé de colporteur d'eau douce, une bien curieuse survivance des temps plus difficiles. Avec ce projet structurant, les foyers oranais vont recevoir quelque 110 millions de m3 d'eau par an soit, pour se faire une idée de son importance, environ six mois de consommation pour une grande métropole comme Alger. Pour leurs besoins en eau potable, de nombreux foyers oranais disposaient déjà de l'eau courante à profusion mais continuent encore aujourd'hui, au mépris du bon sens, de s'approvisionner auprès des colporteurs d'eau. Un camion-citerne stationné dans une ruelle et son conducteur s'affairant, l'échine courbée, à remplir des jerrycans de 5, 10 ou 20 litres, disposés à la queue leu leu : voilà une scène, familière depuis des décennies, qui donne une image peu reluisante de beaucoup de quartiers de la capitale de l'Ouest et de sa périphérie. Des revendeurs d'eau de source exercent même dans des locaux commerciaux dans certaines cités, y compris au cœur de la ville. Des quartiers, alimentés pourtant en permanence en eau courante, à quelques rares exceptions près dues aux aléas d'ordre technique, comme en cas de panne de la pompe électrique ou d'éclatement de conduite notamment, recourent eux aussi aux colporteurs. Si la présence de ces derniers pouvait s'expliquer par le passé, c'est-à-dire à une époque où le précieux liquide se distinguait par sa rareté ou par son goût saumâtre, aujourd'hui leur présence en force suscite, en revanche, nombre d'interrogations tant la situation s'est nettement améliorée dans le domaine des approvisionnements en eau potable. Nombre d'habitants justifient le recours au colporteur par le fait que l'eau qu'il propose reste «très douce», alors que d'autres expliquent qu'ils ont juste pris l'habitude de... l'acheter «dehors». Des ménagères affirment réserver l'eau du robinet uniquement à la vaisselle, la lessive et la douche, préférant utiliser l'eau douce achetée au prix fort pour la boire ou pour la préparation des repas. «Vous n'avez qu'à apprécier le goût de votre café quand il est préparé avec de l'eau douce», argumentent-elles. Au niveau de la seule commune d'Oran, au moins deux cents (200) colporteurs sont enregistrés pour activer dans un cadre légal. Réputée pour sa douceur, l'eau de «haï Bouamama», quartier appelé aussi El-Hassi en référence à ses puits, est prisée par les habitants mais également par de nombreux établissements commerciaux, les cafés notamment qui la réclament pour fidéliser leurs clients. En attendant, les colporteurs, eux, ne semblent guère inquiétés par le progrès industriel car convaincus que «rien ne vaut la douceur d'une eau de source naturelle et la bonne saveur du café que l'on prépare avec». Comme quoi, le progrès n'est pas près de sonner le glas de certaines vieilles habitudes qui, manifestement, ont la peau dure. Quand l'eau inspire confiance ! l Si par le passé leur clientèle assoiffée était motivée par l'aspect quantitatif, dû essentiellement à de fréquentes et intempestives coupures d'eau, aujourd'hui c'est plutôt avec une «confiance tranquille» qu'on les sollicite. Cette assurance est, en vérité, confortée par la réglementation stricte que sont tenus d'observer les revendeurs d'eau potable, principalement sur le plan de l'hygiène pour prévenir toute maladie à transmission hydrique. Les mesures en question sont définies par un décret exécutif de juillet 2008 fixant les conditions d'approvisionnement en eau destinée à la consommation humaine par citernes mobiles. Parmi ces conditions qui ont pour objectif d'assurer la protection du consommateur, seuls les revendeurs munis d'une autorisation délivrée par l'administration compétente de la wilaya ont le droit d'exercer cette activité. La réglementation précise également que les citernes mobiles utilisées pour l'exercice de l'activité doivent, entre autres, disposer d'un revêtement intérieur inoxydable et être équipées d'un clapet anti-retour pour prévenir tout risque de contamination lors de leur remplissage ou de leur vidange. La législation prévoit en outre des sanctions à l'encontre des contrevenants qui peuvent être frappés d'une suspension temporaire de l'autorisation jusqu'à leur mise en conformité dûment constatée par les services compétents, ou d'un retrait définitif en cas de récidive.