Suspicion C?est en voyant sa femme s?approcher de lui en souriant, une tasse de café à la main, que Hafed se sent ridicule d?être jaloux. Nous sommes quand même arrivés à destination, et sans guide ! Tout seuls ! Chapeau !, dit Hafed en s?épongeant le front. ? Oui, il y a de quoi être fiers, renchérit Brahim. Les quatre amis s?appuient contre les rochers, épuisés mais contents. Leurs chameaux, débarrassés de leur charge, restent immobiles les uns près des autres, impassibles, en plein soleil, comme s?ils méprisaient la faiblesse de l?homme. ? Il faut dire, ajoute Sana, l?unique femme du groupe et l?épouse de Hafed, que nous commençons à avoir l?expérience du Grand-Sud, cela fait la quatrième année que nous venons dans la région ! ? Et ce ne sera pas la dernière, Incha Allah ! Brahim, qui vient de lancer cette phrase, sentant les yeux de Sana braqués sur lui, baisse la tête, et entreprend de rouler son chèche, qu?il vient d?ôter. Mais ce regard insistant de Sana n?échappe pas à son mari qui, fronçant légèrement les sourcils, décide de dresser les deux tentes avec des gestes brusques, qui trahissent sa nervosité. Quand enfin, le camp est installé et le feu allumé, il finit par se calmer en la voyant s?approcher de lui avec son grand sourire, et lui offrir la première tasse de café. ? Pour mon lion du Gourara !, clame-t-elle. «Suis-je bête, pense-t-il au fond de lui, s?ils découvrent que je suis jaloux, je serai la risée du groupe.» Hafed s?assied sur un rocher, un peu en retrait, et observe ses amis. Sous la tente, sa femme doit être en train de se changer. Près du feu qu?ils ont allumé pour préparer leur repas, Fateh et Brahim, ses amis, ses compagnons d?enfance, sont en train d?étudier une carte de route. Le premier est militaire de carrière, diplômé de Cherchell, et le deuxième ingénieur, comme lui, dans une obscure société nationale où leurs compétences sont laissées en friche, affectés à des travaux de bureau qu?aurait pu exécuter n?importe quel autre employé. (à suivre...)