Mission n La fréquence des interceptions des migrants clandestins au large du littoral Ouest, constitue un bon indicateur sur l'ampleur de la mission qui incombe en permanence aux gardes-côtes. Pour prendre l'exemple de la baie d'Oran, comprise entre le Cap Carbon à l'Est et l'île Plane à l'Ouest, le patrouilleur cabote, des heures, dans cette zone en naviguant à une vitesse d'une dizaine de nœuds à quelques milles marins au large des côtes. Devant le radar de la timonerie comme sur la passerelle, la vigilance est de mise, notamment la nuit où l'éventualité d'une interception probable d'embarcation de candidats à l'émigration clandestine occupe la pensée de tout l'équipage. Les tentatives d'émigration clandestine, ou «el-harga» dans le jargon populaire, est un sujet que l'équipage du patrouilleur connaît parfaitement, pour avoir participé à plusieurs opérations de sauvetage. Les marins sont appelés à intervenir à plusieurs reprises pour intercepter ou secourir des groupes de harragas en détresse. Nombre d'entre eux gardent en mémoire les multiples scènes vécues dans ce contexte et quand ils les évoquent c'est toujours avec des sentiments d'incompréhension et de désolation. L'un d'eux n'est pas près d'oublier le premier jour de l'Aïd 2006, lorsque lui et ses collègues ont été sollicités pour se rendre à quelques miles au large d'une plage oranaise, sur indications fournies à la Gendarmerie nationale par l'un des deux seuls rescapés d'une mésaventure fatale, qui avait réussi à regagner le rivage au bout de plusieurs heures de nage. «Le second miraculé, qui s'était agrippé à un bidon, était au bord de l'épuisement quand on l'a retrouvé», se rappelle encore ce jeune garde-côte dont l'esprit, dit-il, restera marqué à jamais par l'image des six cadavres qui furent repêchés ce jour-là, alors que six autres étaient portés disparus. Les harragas se donnent généralement rendez-vous le week-end ou les jours fériés, car ils croient que les unités baissent leur vigilance durant ces périodes, alors qu'en réalité les patrouilleurs sont mobilisés 24h/24. Comme pour mieux dissuader les plus téméraires, un garde-côte souligne qu'«indépendamment de la présence de nos bâtiments sur leur chemin, les harragas se trompent en s'imaginant rejoindre l'autre rive de la Méditerranée, dussent-ils être bien équipés». Les deux principaux éléments «trompeurs», selon lui, sont «les conditions météo qui peuvent être bonnes au point de départ et se détériorer brusquement en mer» et «le type d'embarcation utilisée par les harragas». Ces deux derniers facteurs, ajoutés à la probabilité de la panne de moteur ou de carburant, sonneront inéluctablement la fin périlleuse de la traversée des harragas qui n'auront plus alors qu'à prier, dans l'espoir d'être secourus. Face à cette ignorance ou insouciance des candidats à l'émigration clandestine, les gardes-côtes continuent à observer la plus grande vigilance, tout à fait conscients de l'importance de leur mission où prédomine le souci de sauver des vies humaines.