Il y a bien longtemps de cela, un peuple de grands fainéants vivait au bord du Bon Fleuve. Le sol y était fertile et bien humidifié par l'eau du fleuve, si bien que le bétail paissait seul dans les pâturages verdoyants. Les femmes faisaient le peu qu'il y avait à faire, quant aux hommes, ils ne faisaient que paresser. Un jour, un étranger arriva au pays du Bon Fleuve. Il ne s'occupait de personne, ne cherchait pas d'amis, mais ne dérangeait personne. Il se construisit une belle maison, très spacieuse, et travailla sans relâche, du matin au soir. Cela finit par déranger certains. Non parce qu'il avait pris la terre sans en demander la permission (il y en avait assez pour tout le monde), ni parce qu'il chassait et pêchait (il y avait assez de gibier dans la steppe et de poisson dans le fleuve). C'était son attachement au travail qui ennuyait les gens. Ainsi, on le surnomma Mulikamu, ce qui veut dire travailleur. L'étranger devint la risée des hommes qui, à force de se moquer de lui, finirent par le détester. Ils disaient : «Curieux personnage ! Il ne parle avec personne et ne fait que travailler. On ne peut rien espérer de bon d'un tel individu.» Un jour, ils organisèrent un grand rassemblement auquel ils invitèrent également l'étranger Mulikamu. À cette occasion, le sorcier s'adressa à l'assemblée : «Depuis peu, un curieux étranger s'est installé dans notre pays. Il ne salue personne et ne parle à personne. Il s'est construit une maison et a pris notre terre. Il chasse dans notre steppe et pêche dans notre fleuve et surtout, il travaille sans relâche. Or, le travail n'est pas l'affaire des hommes, les femmes sont là pour cela. Cet étranger introduit de nouvelles mœurs chez nous, offensant le Bon Fleuve qui nous nourrit. Qu'allons-nous faire de lui ?»