Il y a un an, sous prétexte de mettre un terme aux tirs de roquettes sur Israël, Tsahal lâchait ses troupes, ses avions, ses chars et ses navires sur Gaza. L'opération «Plomb durci» a servi à déverser un déluge de feu et de fer sur une population désarmée : 1 400 morts dont une majorité de civils. Des enfants ont été déchiquetés par les bombes israéliennes. Des femmes ont été éventrées par les tirs de chars. Des vieillards ont été emportés par la férocité des forces israéliennes. Gaza était devenue cendres, mort, deuil, agonie. Mais Gaza était courage, bravoure, héroïsme à chaque raid, à chaque bombardement, à chaque incursion. Gaza n'a pas abdiqué face aux moyens humains et matériels qu'Israël a employés durant 22 jours d'une agression qui prenait les contours d'une opération de génocide. Gaza martyre a fait tomber le masque hideux d'Israël. L'opinion internationale a vu. Elle a su. Elle a appris, alors que les images atroces défilant sur les écrans de TV du monde entier, qu'Israël a commis à Gaza des crimes de guerre. Des crimes qui, un jour ou l'autre, ne resteront pas impunis. Elle avait été coupée en 2 par un obus Jamila a triomphé de la mort Ambition n «Je veux vivre ma vie et être journaliste quand je serai grande. Car je veux écrire la vérité.» C'est aujourd'hui, le vœu de Jamila. Amputée des deux jambes après avoir été coupée en deux par un obus israélien en janvier dernier à Gaza, Jamila al-Habash a connu son quart d'heure de célébrité lorsqu'elle a été interviewée sur son lit d'hôpital par la chaîne Al-Jazira, une vidéo qui a fait le tour du monde. Un an après la guerre de Gaza (27 décembre 2009 - 10 janvier 2010), l'adolescente de 15 ans a retrouvé l'anonymat de l'appartement familial du quartier al-Sha'f à Gaza-Ville. Et pourtant, elle continue de montrer une incroyable force de caractère, souvent drôle et remplie de joie de vivre. Jamila est retournée à l'école et, munie de prothèses cachées par une longue robe noire, recommence à marcher à l'aide de béquilles. Le 4 janvier 2009, à quatre heures de l'après-midi, les enfants de la famille al-Habash jouaient sur le toit de l'immeuble quand un drone israélien a tiré un missile sur le groupe. Selon l'oncle de Jamila, Ammar, un fonctionnaire de l'Autorité palestinienne, il n'y avait pas de combats au moment du drame. La petite sœur de Jamila, Shaza, 10 ans, a été tuée sur le coup ainsi qu'une de ses cousines, Isra, 11 ans. Son cousin Mohammed, 16 ans, a perdu une jambe. «J'étais là haut en train de jouer, c'est la dernière chose dont je me souvienne, après je me suis réveillée à l'hôpital al-Shifaa de Gaza», raconte Jamila, la cinquième des neuf enfants al-Habash. Un voisin a retrouvé une de ses jambes dans la rue. «On m'a dit que ma sœur et ma cousine étaient mortes. Je pouvais encore sentir mes jambes. Je ne savais pas que je les avais perdues», se souvient-elle, assise sur une chaise roulante. Après avoir vu à la télévision son interview à l'hôpital de Gaza, le roi Abdallah d'Arabie saoudite a fait venir la jeune fille pour qu'elle se fasse opérer. Elle est restée six mois et demi dans le royaume avant de rentrer à Gaza fin juillet. Jamila ne manque ni de volonté, ni de patience, ni d'ambition. Au début de la rééducation, il lui fallait trois quarts d'heure pour faire cinq mètres. Aujourd'hui, elle met un quart d'heure pour parcourir 50 mètres. «Si la tristesse pouvait me ramener mes jambes, je serais triste, mais elle ne les ramènera pas, donc je ne suis pas triste», dit-elle en souriant. Elle est même remontée sur la terrasse du toit. Pourtant, elle n'a guère d'illusions sur le monde. Elle n'a pas pardonné aux Israéliens et répond du tac au tac, quand on l'interroge sur les enfants de Gaza : «Il n'y a pas d'enfants à Gaza. Tout le monde ici a l'impression de pouvoir mourir à n'importe quel moment mais il faut être optimiste.» … 30 000 oiseaux écrabouillés par les chars Image n Là, se dressaient, il y a un an, des usines et des fermes, ici une mosquée et une école. Aplaties par l'aviation et les blindés, elles témoignent de la férocité de l'agression. L'offensive israélienne été dévastatrice, détruisant systématiquement toute l'infrastructure de Gaza. Un hôpital a même été touché. 6 400 habitations ont été endommagées ou détruites, selon l'ONU. La destruction a aggravé l'impact du blocus imposé en juin 2007 par Israël sur cette étroite bande sablonneuse surpeuplée (1,5 million d'habitants, dont 85% dépendent de l'aide internationale). Un an après, des Gazaouis sont toujours sans toit. Ils s'entassent dans des appartements de proches, quelques-uns vivent sous la tente. Zeina Mohammed, une bédouine de 64 ans, s'est installée dehors, dans le froid, au milieu de sa basse-cour, à deux pas d'une mosquée de toile. A quelques kilomètres, la famille des fermiers Sawafiri a reconstruit un hangar de fortune pour abriter ses poulets. Les chars de l'armée israélienne sont passés sur leur élevage moderne en batterie, écrabouillant 30 000 oiseaux. Un silo à grain de 20 tonnes est réduit à un tas de ferrailles rouillées. «Cela fait un an et nous ne savons toujours pas pourquoi ils ont fait ça», s'interrroge Mahmoud Sawafiri, 24 ans.