Réalisme n Harragas le dernier film de Merzak Allouache, a été projeté, jeudi, en avant-première nationale, au cinéma Sierra Maestra, à Sidi M'hamed à Alger. Comme son titre l'indique, le film aborde une brûlante réalité, un phénomène social d'actualité, celui de la mal vie de la jeunesse algérienne, qui, en proie au désespoir, n'a en tête que l'idée de traverser la mer, ce vaste désert aquatique, et cela au risque d'y laisser la vie. L'histoire se déroule à Mostaganem et raconte le projet suicidaire de plusieurs jeunes, dont une fille, candidats à l'émigration clandestine, en tentant la traversée de la Méditerranée sur une barque. Le film, une odyssée tragique de ces jeunes qui rêvent de l'eldorado européen, met l'accent sur la psychologie des harragas, de leur état d'esprit, leur désarroi et leur profond désespoir. Pour faire dans le réalisme aussi bien descriptif que saisissant, et pour nous faire vivre la réalité des harragas, les difficultés qu'ils endurent, leur émotion et leur désarroi, Merzak Allouache tourne une bonne partie du film en haute mer, où les jeunes, sur une barque, se retrouvent seuls, livrés à eux-mêmes. Et dans cette dangereuse traversée, c'est tout le drame de la jeunesse algérienne qui est dit dans son réalisme le plus poignant. Proche du documentaire, Harragas est un vif témoignage de la réalité de la jeunesse algérienne, problème ignoré par les autorités. Le film comporte autant d'images que de symboles, dont la scène où l'un des harragas regardent de loin, de l'autre côté de la baie, les torchères de gaz qui se dressent vers le ciel. Une image saisissante, car elle veut simplement dire : l'Algérie est un pays de gaz et de pétrole, de richesses et de ressources naturelles, mais sa jeunesse souffre de la mal vie, et est prise dans ce tourbillon vertigineux qu'est le désespoir et pense à traverser la mer, une entreprise hasardeuse et suicidaire. Le phénomène des harragas est un suicide collectif. Le film ne comporte pas de musique, et cela afin de mettre l'accent sur l'atmosphère qui pèse sur ces jeunes harragas, qui les accable et les écrase ; le silence rythme le film et fait du déroulement du récit – puisqu'il y a un narrateur qui raconte l'histoire et parle des problèmes des jeunes – fort et vif. Ainsi, par le film Harragas, le réalisateur, Merzak Allouache, voulait être au plus près de la réalité, au cœur même du problème, en suscitant un débat autour du phénomène et discuter des difficultés d'absence de perspectives pour la jeunesse algérienne. A rappeler que le film, qui renvoie ainsi au drame que vit la jeunesse algérienne, abandonnée et désavouée par un pays qui semble figé et n'offrant plus rien à ses enfants, a participé à plusieurs festivals et forums cinématographiques et a été honoré : il a été triplement récompensé au Festival de Dubaï, comme il a été distingué à la 30e édition de la Mostra de Valence (Espagne) consacrée au cinéma méditerranéen, où il a remporté le Palmier d'or. l S'exprimant sur son film, Merzak Allouache dira : «Je voulais faire ce film parce qu'il aborde une actualité brûlante. J'y aborde la réalité et les difficultés de la jeunesse algérienne et notamment le phénomène des harragas, le drame d'une génération entière.» «Je parle d'ailleurs toujours dans mes films des jeunes et des problèmes qu'ils vivent et dont ils sont victimes», souligne-t-il. Merzak Allouache, qui estime qu'il est nécessaire et urgent que les autorités se penchent sur ce problème pour y trouver des solutions, dira : «Il faut qu'il y ait un débat sur les problèmes de la jeunesse, sachant que l'Algérie est un pays à majorité jeune.» Interrogé ensuite sur le travail mené pour les besoins de la réalisation du film, Merzak Allouache, fait savoir : «J'ai mené un long travail de recherche et de documentation sur les harragas, je me suis basé sur des faits réels, une méthode de travail proche d'ailleurs du film documentaire.» S'exprimant ensuite sur les distinctions qu'a reçues son film, Merzak Allouache confiera : «Nous sommes tous fiers de ces récompenses. Cela signifie que le film a été bien accueilli par la critique, cela veut dire aussi que nous avons bien travaillé.» Et de reprendre : «Mais au-delà de toutes ces distinctions, la seule chose qui m'intéresse est que mon film soit projeté en Algérie, dans les salles de cinéma et qu'il soit vu par un large public.»