On ne peut pas dire qu'Emile Buisson ait été favorisé par ses débuts dans l'existence. Il naît en 1902, à Paray-le-Monial, en Saône-et-Loire, dans une famille marquée par la misère et les malheurs en tout genre : le père est alcoolique, la mère est folle, il a dix frères et sœurs, dont cinq meurent à la naissance, résultat de coups dans le ventre reçus par la mère pendant ses grossesses. Son frère aîné Jean-Baptiste, de sept ans plus âgé que lui, semble lui montrer la voie : il s'engage à quinze ans dans une bande de casseurs lyonnais, se fait prendre et se retrouve au bagne pour enfants. Emile Buisson n'est pas en reste. Il vole des poules à cinq ans, un tiroir-caisse à sept et passe pour la première fois en justice à onze. Il bénéficie de l'indulgence du tribunal, et c'est seulement à seize ans qu'il reçoit sa première condamnation, d'ailleurs légère quinze jours de prison avec sursis pour vol. Il part peu après pour le service militaire, au Maroc, dans l'infanterie coloniale et se montre un bon soldat, un excellent tireur surtout, et obtient le cor de chasse, insigne qui distingue le meilleur tireur du régiment. Mais ces brillants états de service n'incitent nullement Emile Buisson à rejoindre le droit chemin. Maintenant qu'il est devenu un as de la gâchette, il sait qu'il est doué pour le métier qu'a déjà choisi son frère. Celui-ci est sorti du bagne pour enfants et Émile le rejoint à Paris. De 1921 à 1931, il accumule les condamnations, pour vol, non-respect de l'interdition de séjour, escroquerie, port d'armes, recel. Mais il ne s'agit que de petits délits. De 1931 à 1936, Jean-Baptiste et Émile Buisson décident de changer d'horizon. Ils se rendent à Shanghai où ils ouvrent une maison close. Ils deviennent riches et rencontrent un gangster de Chicago, qui les initie au banditisme moderne. Cela pourrait continuer longtemps ainsi, mais ils ont le mal du pays et les voilà de nouveau à Paris. Jean-Baptiste se fait prendre presque immédiatement et Émile, à qui il a servi de guide et de chef depuis le début, est désorienté, presque désemparé. Bien qu'il ait trente-quatre ans, il n'est encore qu'un petit délinquant sans grande envergure. Dans le milieu, on le surnomme «Mimile», avec un rien de condescendance. Pour que cela change, il faudrait qu'il fasse ses preuves. Il cherche une bande et ne tarde pas à entrer dans celle de Charles Desgrandchamps, dit «Paturons». Ce dernier le considère immédiatement avec intérêt et décide de lui faire jouer le rôle de chauffeur dans le grand coup qu'il est en train de préparer. Il a lieu le 29 décembre 1937, à Troyes, et c'est un succès retentissant. Avec deux autres gangsters, Courgibet et Henri Schlick, dit «Riton», ils se cachent dans une vespasienne, en face de la succursale de la Banque de France. Trois encaisseurs en sortent et la bande s'empare de la somme qu'ils ont sur eux 1,8 million de francs, soit près de 500 000 euros. C'est un vol aussi audacieux que spectaculaire, et Mimile devient du jour au lendemain un nom du grand banditisme. La suite se passe moins bien : les gangsters sont arrêtés les uns après les autres à la suite de renseignements donnés par un indicateur. Émile Buisson se fait prendre dans un hôtel de Lille. Ramené à Troyes, il passe devant la cour d'assises. Il est condamné à vingt ans de réclusion et enfermé dans la prison de la ville... On est alors fin 1938. Des temps agités se préparent et il va pleinement en profiter. En 1940, au moment de l'exode, tous les prisonniers sont transférés vers le Sud et, comme beaucoup d'autres en pareille circonstance, Émile Buisson en profite pour s'évader. Il revient à Paris. Son frère et les membres de la bande de Troyes étant toujours en prison, il lui faut quelqu'un pour faire équipe. Il trouve l'homme qu'il cherche en la personne d'un gangster chevronné, Abel Danos. (à suivre...)