Mesure n Les choses ont sérieusement bougé lors de ce Mondial après les erreurs d'arbitrage commises, notamment lors des huitièmes de finale, ce qui a amené Blatter à présenter ses excuses et à revoir sa copie. Il y a une année, l'UEFA du président Michel Platini a procédé à des tests d'arbitrage à cinq lors d'un tour qualificatif du championnat d'Europe des moins de 19 ans à Chypre. Et déjà des satisfactions. Puis c'est au tour de l'Europa League de passer à l'application grandeur nature lors de la saison 2009/2010 avant que ce dispositif ne soit appliqué à partir de cette année à la plus prestigieuse des compétitions de clubs, la Ligue des champions européenne. 5 arbitres : un principal, deux assistants et deux additionnels, voilà le nouveau système que voudraient apporter les instances internationales du football pour améliorer l'arbitrage et faire face aux problèmes d'arbitrage actuels. Ce projet, qui tient à cœur au président de l'UEFA, le Français Michel Platini, a fait l'objet pour la première fois de tests par l'instance européenne lors de trois mini-tournois en Slovénie, à Chypre et en Hongrie, et ce, avec l'autorisation de la FIFA dont le président, Josep Sepp Blatter, défendait, lui, il y a si peu, l'arbitrage à deux ! C'est d'ailleurs la différence – pour ne pas dire la problématique – qui sépare le premier responsable du football mondial et son vice-président, longtemps commentée dans les coulisses du siège de Zurich et dans la presse. Pour Blatter, l'idée de l'arbitrage à deux n'est pas neuve, mais elle a ressurgi en septembre lors d'une réunion de la commission football que préside Franz Beckenbauer sur proposition de Philippe Piat, le patron de la FIFPro, le syndicat international des joueurs. Blatter a accroché à l'idée, mais d'autres membres, notamment d'anciens joueurs comme Pelé, ne semblaient pas être emballés. Mais Blatter défend son option : «Le football se pratique sur une plus grande surface et avec davantage de joueurs que le basket-ball, le volley-ball ou le handball et nous n'avons qu'un seul arbitre !» Même sur un plan pratique et financier, Blatter estime que cela coûtera moins cher qu'un quintette et relativise la décision de l'auguste International Board d'autoriser les tests concernant l'arbitrage à cinq. Il dira : «L'International Board a donné son feu vert, mais c'était uniquement pour pallier l'absence de technologie pour juger si un ballon a franchi ou non la ligne de but. Ces assistants – on ne savait d'ailleurs pas comment les appeler – n'auraient donc pas eu, par exemple, le pouvoir d'intervenir pour des fautes commises dans la surface. C'était une idée de Platini et j'étais d'accord avec lui sur ce sujet. On avait simplement des avis différents sur l'endroit où ils devaient être positionnés. Mais je crois que cette idée ne donnera pas de résultats. «Ce qui n'est pas l'avis de Platini qui est un opposant déterminé à l'introduction de la vidéo et qui veut apporter une aide "humaine" à l'arbitrage», martèle-t-il à chaque fois qu'il en a l'occasion. Le président de l'UEFA argumente sa préférence pour l'arbitrage à cinq par les échecs du ballon à puce (trop onéreux vu les droits à payer sur chaque puce, et sa fiabilité qui n'est pas à 100%) et du système de caméra (appelé œil de faucon), jugé aléatoire. Aujourd'hui, il est conforté par les premiers résultats des matchs de l'Europa League, même si certains, comme l'ancien sifflet écossais Hugh Dallas, prônent la prudence. La surface de réparation devient plus «propre», selon les observateurs et les contrôleurs, mais il faudra poursuivre la phase de réflexion pour trancher entre les deux variantes (voir article ci-contre), même si le système triangulaire semble le plus approprié sans faire toutefois l'unanimité. Comme le souligne notre ex-arbitre international et instructeur au niveau de la FIFA et de la CAF, Belaïd Hansal, qui estime qu'il faut tester ce système dans des conditions de plus haut niveau (pression de l'enjeu et du public, malice des joueurs…), comme dans les championnats européens majeurs, pour se fixer définitivement et valider cette nouvelle forme d'arbitrage. Ce qui fut fait, d'autant qu'il s'agit d'une première solution en attendant, un jour, l'introduction de la technologie (la vidéo) dans l'arbitrage ou plus précisément pour trancher sur la validité ou pas d'un but. L'avantage Deux variantes pour un système l Lors des essais de la quintette d'arbitres, deux variantes se sont dégagées : un système traditionnel où les déplacements de l'arbitre central sont soit en diagonale par rapport au terrain, itinéraire habituel à l'opposé de son assistant dans chaque moitié du terrain, soit en un système triangulaire, qui constitue une nouveauté. Ce dernier apporte un nouveau positionnement des arbitres, la réduction des angles morts ou encore les déplacements de l'arbitre central qui, contrairement à la première variante, évolue en position axiale en suivant des mouvements sinusoïdaux de part et d'autre du terrain qui l'amène à ce qui est désigné comme la black zone (partie gauche entre la ligne des six mètres et celle des 18 mètres). C'est ce second système novateur que défendent prioritairement les arbitres de l'UEFA, alors que ceux de la FIFA penchent plutôt pour le premier. Évidemment, chacune des deux variantes a ses avantages et ses inconvénients : la première (le système traditionnel), préserve l'itinéraire de déplacement de l'arbitre, mais présente l'inconvénient d'amener l'assistant et l'arbitre additionnel à se doublonner sur la même situation, soit à l'angle du terrain. La seconde, elle, permet à l'arbitre additionnel de contrôler le côté opposé de l'assistant et donc de signaler d'éventuelles sorties en touche qui aurait échappé à l'arbitre central, en plus des erreurs dans la surface. Cependant, la seconde variante (système triangulaire), engendre plus de courses pour l'arbitre central et donc plus de distance à parcourir, soit plus de 10 à 12 km par match qui est la norme actuelle du fait que ces déplacements ne sont plus rectilignes, mais sinusoïdaux. Le chiffre 30% de décisions en moins pour l'arbitre l Habituellement, selon les spécialistes de l'arbitrage, l'arbitre central prend seul approximativement 80% en moyenne des décisions au cours d'une rencontre. Avec le nouveau système à cinq, ce taux passe à 50%, ce qui signifie une baisse de 30% des décisions à prendre en solitaire. L'arbitre central devient moins seul et l'arbitrage glisse vers une collégialité, même s'il garde une part majoritaire de 50%, l'autre étant divisé entre les quatre autres assistants, dont les deux additionnels. Ces derniers, comme les instructions qui leur ont été données lors des essais qui ont eu lieu à Chypre, en 2009, auront comme fonctions de surveiller les surfaces de réparation, avertir verbalement les joueurs avant la sanction, signaler d'éventuelles fautes à l'arbitre central et surtout indiquer à celui-ci si le ballon a franchi ou pas la ligne des buts. Le taux de surveillance augmente ainsi passant de trois à cinq paires d'yeux pour scruter le jeu dans ses moindres détails. L'apport Satisfaction des joueurs, surtout les attaquants l Les équipes dépêchées par l'UEFA et la FIFA, lors de l'expérimentation de l'arbitrage à cinq en 2009, dans les trois villes qui ont abrité les tournois, Nicosie, Larnaca et Paralimni, n'avaient rien laissé au hasard puisque même les jeunes joueurs ont été soumis à un questionnaire pour connaître leurs avis sur l'arbitrage à cinq. Et apparemment, ils apparaissent tous favorables estimant que les choses deviennent plus claires, notamment dans la surface de réparation, où les avertissements de l'arbitre additionnel placé derrière le but en dissuadent plus d'un à se permettre certains gestes. Les jeunes joueurs ont même avoué que l'arbitre additionnel les interpellait par leur numéro les menaçant de les signaler à l'arbitre principal pour leur infliger un carton ou signifier un penalty. D'anciens joueurs, tel Jean-Michel Larqué sollicité par Platini, étaient également présents lors de cette sortie expérimentale et semblaient être conquis par le fait que le nouveau dispositif rassure beaucoup plus les attaquants et avantage le jeu d'attaque, quant aux défenseurs ils éviteront de tirer le maillot ou d'user de petites bousculades. Lacarne : «À cinq, l'arbitrage fera une grande avancée» Détails n Il est l'une des personnes ressources les mieux indiquées pour nous parler de ce projet d'arbitrage à cinq. Belaïd Lacarne, seul arbitre international algérien à avoir officié lors d'une Coupe du Monde, ce fut en 1982. InfoSoir : M. Lacarne, êtes-vous pour l'introduction de la vidéo, comme c'est le cas par exemple dans le rugby, ou bien pour une autre amélioration, comme le système à cinq arbitres ? B. Lacarne : Personnellement, je suis contre l'utilisation de la vidéo pour la simple raison que si on permettait cela on provoquerait une hausse des contestations, et donc moins de jeu et de spectacle, sans compter les arrêts pour vérifier telle ou telle autre action litigieuse. Je suis donc et je reste pour un arbitrage je dirai humain et en faveur de la loi 5 qui donne les pleins pouvoirs à l'arbitre. Cela étant, je ne suis pas contre l'introduction de la vidéo, mais pour renforcer les décisions de l'arbitre lors du franchissement ou non de la ligne de but, vu que l'œil humain a ses limites. À ce niveau-là, j'estime qu'un progrès doit être fait pour éviter les grandes injustices et la caméra peut aider à la prise de décision compte tenu des enjeux. En 2005, au Pérou, lors du Mondial des U17 ans, il y a eu des tests avec des caméras aux entraînements seulement, mais qui n'ont pas été étendues aux rencontres officielles de ce tournoi car il n'y a pas eu d'accord entre les techniciens. Toutefois, je reste persuadé que l'arbitre principal demeure le seul juge dont les pouvoirs ne peuvent être remis en cause. L'UEFA a testé avec succès, selon tous les observateurs, l'arbitrage à cinq, sommes-nous donc sur le chemin du changement ? Pour ce qui est de l'arbitrage à cinq, l'UEFA a effectivement procédé à des tests dans le cadre de son programme lors d'un tour qualificatif du championnat d'Europe des nations des U19 ans. Et les premiers résultats semblent intéressants. Mais permettez-moi de remonter un peu en arrière, en 1996 plus exactement lors de la CAN en Afrique du Sud où j'ai eu une discussion avec Michel Platini, l'actuel président de l'UEFA, sur ce sujet justement. Et ma foi, l'idée de l'arbitrage à cinq a fait son chemin et Platini en fait son cheval de bataille car je sais qu'il est contre l'introduction tous azimuts de la vidéo dans le football. Le fait en outre que l'UEFA passe aux tests grandeur nature, cela signifie qu'elle tient à ce projet. Pour ma part, j'estime que l'arbitrage à cinq peut apporter beaucoup plus de bonnes choses que de mauvaises. Il faut juste préciser que les deux arbitres additionnels seront placés derrière les buts et munis d'oreillettes qui leur permettront de communiquer avec l'arbitre principal au cours du jeu qui, lui, restera le seul décideur. L'autre avantage de l'arbitrage à cinq, est d'ordre dissuasif par rapport aux joueurs qui seront plus et mieux surveillés dans la surface de réparation, là où il y a le plus de risques d'erreurs. Que ce soient au niveau des défenseurs, qui seront amenés à faire moins d'erreur, ou bien des attaquants qui éviteront de faire dans la simulation. Par ailleurs, le président de la commission d'arbitrage de l'UEFA, M. Villar, qui est également le patron de l'arbitrage au niveau de la FIFA, est favorable à ce projet qui a été adopté pour l'Europa League depuis 2009.» Le rejet Le non à la vidéo de Platini l Est-il vieux jeu ou est-ce un nostalgique d'une certaine époque le Michel Platini qui a lancé un jour : « S'il y a un jour la vidéo dans le football, je ne serai plus dans les instances. Ce ne sera plus le même football. Ce sera peut-être le vôtre, en s'adressant aux journalistes, mais ce ne sera pas le mien ! Récemment, j'ai vu deux arbitres internationaux qui n'étaient pas d'accord sur le hors-jeu. Il faut des yeux supplémentaires, pas de la technologie ! Par conviction, à 2500%, je ne peux pas être pour la vidéo. » Pour sa part, le président de la FIFA, veut bien que les images vidéo soient utilisées a posteriori pour lutter contre l'indiscipline, pour sanctionner ou retirer des sanctions, mais pas pour intervenir dans le jeu. «La spontanéité du football et la vitesse d'exécution interdisent d'arrêter le jeu pour consulter un écran vidéo !», dira Blatter. Même son de cloche chez Belaïd Lacarne, l'une de nos références nationales, en matière d'arbitrage qui, lui, fait une concession : « Oui, pour la vidéo, mais juste pour vérifier si le ballon a oui ou non franchi la ligne des buts.» Quant au patron de l'arbitrage français et membre de la commission des arbitres de l'UEFA, Marc Batta : «Il fallait faire quelque chose sans la vidéo, d'où ce système avec l'arbitrage à cinq qui rééquilibre les choses.» Il reste à savoir comment les choses évolueront lorsqu'il faut appliquer l'arbitrage à cinq dans des conditions réelles de compétition et de haut niveau. En tous les cas, Jean-Michel Larqué, l'observateur sollicité par Platini, croit que l'arbitrage à cinq est une étape indispensable, inéluctable avant de passer à autre chose, même si des inconvénients peuvent remettre en question cette méthode. En effet, le fait de mettre des assistants derrière des buts dans certains stades où les ultras sévissent ou bien par des conditions climatiques difficiles où l'arbitre additionnel ne bouge pas beaucoup. L'autre grand danger, relevé par certains arbitres présents, c'est le risque de devenir «spectateur» pour l'arbitre additionnel lorsqu'il n'intervient pas pendant un temps plus long du fait que ses déplacements sont également limités par rapport à l'arbitre assistant le long de la ligne de touche. Mohamed Bichari (arbitre international) : « C'est une solution pour améliorer l'arbitrage » Rencontré il y a quelques mois, l'arbitre international Mohamed Bichari a tenu à nous donner son avis sur l'arbitrage à cinq que les instances du football international ont testé dans la perspective d'une éventuelle généralisation dans les mois à venir. « C'est une des solutions pour améliorer l'arbitrage, argumente notre homme en noir. J'ai un peu suivi l'évolution de ce projet et je trouve qu'il est intéressant, cela permettra de renforcer la surveillance dans la surface de réparation où les choses se compliquent et le taux de fautes commises est important. Je suis convaincu que l'adoption de ce projet réglera pas mal de problèmes. » Pour étayer ses dires par un cas concret, M. Bichari a choisi le bon exemple en revenant sur le fameux USMA - NAHD d'il y a une année qui a fait polémique au sujet du second but des Rouge et Noir. La balle a-t-elle dépassé la ligne de but oui ou non ? « Rappelez-vous des problèmes qu'a eus mon juge de touche lors de ce match en validant le but de l'USMA et où je devais, comme l'exige la réglementation, le conforter car il était censé être le mieux placé pour voir l'action. Mais était-il vraiment bien placé, sachant qu'il ne pouvait pas être derrière les buts du gardien du NAHD ? Mais s'il y avait un arbitre additionnel justement derrière ces buts, il aurait certainement tranché sans le moindre problème sur la validité ou pas de ce but. C'est pourquoi, je trouve que cette amélioration ne peut être que bénéfique pour le déroulement du jeu et pour faciliter le rôle de l'arbitre central.» À la question s'il en avait discuté avec ses autres collègues arbitres, Bichari nous a affirmé que ce sujet a été souvent abordé et que le corps arbitral algérien suit avec intérêt l'évolution de ce projet.