L'unique chemin donnant accès à ce refuge était un petit sentier montueux qui débute au bas de la colline. À un certain moment, l'un d'entre nous, qui était allongé face à la porte et au petit sentier, a subitement fait la réflexion suivante : «Qu'en pensez-vous, mes frères ? Et si l'ennemi arrivait et installait une mitrailleuse sur le sentier, bien en face de cette porte, puis commençait à nous tirer dessus, comment donc allons-nous faire pour nous défendre ?» Chacun de nous donna son point de vue là-dessus. L'un a dit : «Il est tard, les Français ne viennent jamais à cette heure de l'après-midi.» Un autre a dit : «Eh bien, c'est simple nous placerons notre fusil-mitrailleur F M Bar devant la porte et nous nous battrons. Certes il y aura beaucoup de morts parmi nous, mais nous n'avons pas d'autre solution. Nous sommes cernés de ravins et de précipices de toutes parts dans cette maison construite sur un rocher.» Un autre moudjahid a dit : «Nous sauterons par cette fenêtre. Bien sûr, nous risquions de nous casser le cou ou du moins une jambe, mais cela me semble préférable au fait de se retrouver devant le feu d'une mitrailleuse et d'être abattu.» Là-dessus, nous nous sommes penchés sur le bord de la fenêtre pour nous rendre compte de la profondeur du ravin accidenté. Un autre compagnon nous dit : «Laissons ce point noir de côté, et parlons d'autres choses plus sérieuses ; je ne m'imagine pas des soldats français venir au maquis en fin d'après-midi.» La faim nous tenaillait les entrailles, et nous attendions qu'on nous apporte à manger et à boire. Avant de nous quitter, Si Moussa nous avait dit : «Je vais essayer de trouver quelque chose à manger, puis je vous le ferai porter par quelqu'un du village. Patientez et faites très attention jusqu'au soir.» Une petite heure après, tout en discutant, nous vîmes, depuis la porte de la maison, des hommes en tenue militaire qui s'agitaient en courant. Ainsi pris de court, nous nous sommes tout de suite levés, bien que nous ne croyions pas qu'il pût s'agir de soldats français. Immédiatement, ces derniers commencèrent à placer leurs fusils-mitrailleurs sur leurs affûts. Il nous fallait donc prendre une décision en vitesse pour sortir de la maison, par la porte, ce qui ne pourrait pas se faire sans que nous soyons contraints d'engager un combat qui serait à notre total désavantage. Comme nous avions déjà évoqué l'éventualité de cette grave situation, nous avions songé à sauter par la fenêtre. En tout état de cause nous devions agir très vite, car l'ennemi commençait déjà à nous soumettre à un tir de barrage. Grâce à Dieu, la fenêtre ne se trouvait pas en face de la porte et le mur de la maison semblait assez large et solide pour nous garantir contre le déluge de projectiles que l'on tirait sur nous. Sans affolement, mais assez inquiets quand même, nous avons sauté l'un après l'autre par la fenêtre. Nous avons dégringolé dans le ravin, sans heureusement trop en souffrir, ainsi que nous l'avions redouté au début. Avant que l'ennemi n'ait pu réagir, nous avions déjà traversé l'oued. Puis, nous avons entendu les tirs des fusils-mitrailleurs résonner de l'autre côté. C'était l'un des deux autres groupes de notre commando qui venait de s'accrocher avec une autre partie des soldats français. (à suivre...)