Solitude Amoureux fou de Tassaâdit, Meziane ne sait plus à quel saint se vouer. Même sa mère, tendre et aimante, ne se met pas de son côté. Le jeune homme reste assis encore un moment lançant à sa mère des regards en biais, mais Ouiza continue sans fléchir, tenant le manche de sa meule d?un bras ferme, faisant danser les plis de sa robe ornée de zigzags multicolores, les sourcils froncés. Puis, Meziane se lève et, pour se donner une contenance, pénètre dans l?ifercian, le petit enclos où sa mère, aidée de ses brus, prépare les semences d?oignons et de piments. C?es là qu?il se réfugiait, enfant, pour éviter les corrections de son père après avoir fait quelque bêtise, la plupart du temps sur une dénonciation de ses frères aînés. Les souvenirs remontent à la surface. «Si le père était encore là !» Mais il sait que la situation serait exactement la même, et personne dans sa famille ne l?aurait aidé en intercédant auprès de Da Mohand. «Je vais lui parler, après tout, c?est un homme comme moi, et il va peut-être me comprendre, lui.» C?est Da Moh qui préside aux destinées du village, aidé par la djemaâ constituée des représentants de chaque famille. Quand il pénètre dans la cour, après avoir appelé un de ses fils, Meziane sent brusquement son courage l?abandonner. «Qu?est-ce que je fais là ? Je vais à l?encontre de l?honneur des Aït Medour, de tout un village...» Mais l?image de Tassaâdit avec son frais visage rayonnant qu?il a maintes fois épiée derrière les troncs des vieux oliviers apparaît devant lui. ? Qu?y a-t-il, Meziane ? Tu veux me voir ? Assieds-toi là. Et Da Moh, imposant avec sa haute stature et son burnous blanc enroulé sur ses épaules, s?apprêtant visiblement à sortir, lui montre une vieille chaise près de la table familiale, placée dans la cour, sous un grand chêne. Lui-même s?installe près de lui et, sans rien dire, il regarde Meziane droit dans les yeux, attendant. (à suivre...)