Septembre colore la campagne dans les environs de Bordeaux. Les feuilles roussissent et la récolte du raisin est le grand sujet de toutes les conversations : — Ce sera une bonne année sans doute. On rêve de bouteilles qui deviendront délectables et mémorables. Or, à la campagne il n'y a pas que la vigne et le vin. Il y a aussi des animaux que l'on élève, que l'on soigne et qu'on surveille... — Emilie ! Viens donc voir ! J'ai l'impression que les poules ont l'air patraque ! Emilie essuie ses mains sur son tablier pour rejoindre sa mère qui est en train de distribuer le grain dans les mangeoires du poulailler. — Qu'est-ce qu'elles ont ? — Regarde toi-même, elles respirent mal… — Si ça se trouve, elles sont enrhumées. Tu as déjà vu ça ? — Jamais, mais je crois que c'est déjà arrivé chez Mme Paillet. — Et si elles vont toutes crever ? Qu'est-ce qu'on peut faire ? — Je vais téléphoner à Mme Paillet. Elle me dira ce qu'elle a fait : c'était il y a deux ans. Mme Paillet indique volontiers ce qu'elle a fait : elle a consulté le vétérinaire du coin. — Il m'a donné un médicament. J'ai oublié le nom. Du «Biomex», «Biovex». Je ne sais plus. Demandez-lui ! Le vétérinaire appelé à la rescousse se déplace jusqu'au poulailler d'Emilie et examine les poules une par une : — Pas de doute, elles sont enrhumées. Pas étonnant avec les brumes matinales. Tenez, constatez vous-même : vos poules ont les narines bouchées. Elles sont obligées de respirer par la bouche ce qui leur donne une sorte de râle. Voyez : elles gardent le bec entrouvert. Le vétérinaire rassure les fermières. — Donnez-leur du Biotess. Vous en mettez quelques gouttes dans l'eau des abreuvoirs. Une fois en possession du médicament, Emilie et sa mère suivent scrupuleusement les instructions du médecin. Il ne reste plus qu'à attendre. — Tu sais, ça n'a pas l'air de leur faire beaucoup d'effet ce médicament. Regarde : elles ne picorent plus, elles se traînent. Je suis inquiète. Et si elles vont toutes crever !... — C'est fatal ! Quand tu es malade, tu ne te nourris pas toi non plus. Elles n'ont même pas la force d'aller boire. Il faut leur administrer les gouttes directement dans le bec. Pas d'autre solution ! — Eh bien, comme on dit, on n'est pas sorties de l'auberge ! — Allez, maman, tu m'en attrapes une et l'on va lui mettre le Biotess directement dans le gosier. Et c'est ainsi qu'Emilie et sa mère se mettent en devoir d'attraper les volailles l'une après l'autre. Les poulettes ne semblent pas apprécier d'être immobilisées. Un instinct ancestral leur dit sans doute qu'une poule qu'on saisit est bien mal partie, mais elles sont si faibles sur leurs pattes qu'elles n'ont plus la force d'échapper à leur «bienfaitrice». Il faut les coincer sous le bras ; iI faut leur ouvrir le bec et y glisser rapidement une petite seringue qui fait office de compte-gouttes, en prenant soin de ne pas les blesser. Trois gouttes et on libère les poules qui s'éloignent en titubant et en se demandant ce qui leur arrive... Dès le second jour, la maman d'Emilie lui donne un coup de main pour le «gavage» des poules. A deux, c'est quand même plus facile : une qui tient fermement la poule, l'autre qui ouvre le bec et y introduit la seringue. (à suivre...)