Approche n Kamel Iaiche est un homme de théâtre. Metteur en scène, il a à son actif plusieurs pièces : Zoo Story, L'Escargot entêté, le Bel indifférent et enfin Zaouche, présentée dernièrement au Mougar. Zaouche, une adaptation du texte Bosendorfer du Hongrois Ferenc Karinthy, raconte l'histoire d'un homme qui, suite à une annonce parue dans un journal concernant la mise en vente d'un piano par une vieille dame, appelle cette dernière pour se renseigner sur le prix de l'instrument – et aussi et surtout pour passer le temps tout simplement, pour le plaisir. C'est alors qu'il n'arrête pas de l'appeler, et, d'un appel à l'autre, il change carrément de personnalité et de personnage : tantôt il est militaire, tantôt un expert en instruments de musique, tantôt une vieille dame qui cherche à acheter un piano pour son beau-fils. Interrogé sur les raisons ayant motivé le choix du texte, Kamel Iaiche répond : «C'est une très belle œuvre théâtrale qui offre beaucoup de possibilités d'adaptation vu son caractère universel.» Et d'ajouter : «De plus cette tragicomédie offre des moments de rupture de rythme exceptionnels qui permettent de passer du rire aux larmes avec beaucoup de subtilité.» Quant au choix des comédiens, Kamel Iaiche dira qu'il «s'est presque imposé de lui-même. Dès le départ du projet, leurs statuts respectifs les ont rendus presque incontournables pour la réussite du projet». La pièce aborde le thème de la solitude, un sujet parfois délicat que le metteur en scène s'est employé à explorer. «La solitude est un état d'âme qui oblige souvent les individus à s'avouer en intimité toute la vérité sur eux-mêmes et de se poser les véritables questions structurantes. D'un point de vue scénique, le thème de la solitude permet aussi de rétablir le silence comme élément de langage et d'expression au théâtre, d'une valeur au moins égale à celle de la parole.» S'exprimant sur le théâtre en Algérie, il soulignera : «Le théâtre algérien, tout autant que les autres secteurs, a profité de l'aisance financière du pays durant les dix dernières années. Malheureusement, cela ne s'est pas toujours répercuté sur la valeur des œuvres créées durant cette période.» «Aujourd'hui, indique-t-il, les metteurs en scène, seuls responsables de la qualité des œuvres, rivalisent entre eux non pas à travers la pertinence de leur réflexion et de leur approche des sujets qu'ils traitent, mais à travers des procédés très formels tels que le gigantisme des scénographies ou par l'introduction de la chorégraphie dans leurs œuvres.». «Il y a certes des évolutions d'un point de vue plastique, précise-t-il, mais cela est dû aux moyens techniques disponibles actuellement et aux moyens financiers qui nous permettent de les acquérir et non pas à l'évolution du niveau de la composante humaine du théâtre algérien.» «Pour atteindre un niveau appréciable, explique-t-il, le théâtre algérien a besoin aujourd'hui de beaucoup plus d'infrastructures. Il est inconcevable qu'une ville comme Alger ne dispose que de deux salles de théâtre (TNA et El-Mougar). Cela handicape énormément les créateurs indépendants qui peuvent apporter énormément au développement de l'expression théâtrale en Algérie.» Kamel Iaiche a connu et vécu, en 2008, une expérience théâtrale unique en son genre : il s'agissait du théâtre de printemps. L'expérience consistait en la programmation des représentations théâtrales au Bois des Arcades de Riadh El-Feth sous un chapiteau. La programmation s'étalait sur trois mois. Il se trouve que l'aventure n'a pas été renouvelée et ce, en dépit du succès avéré et retentissant qu'elle avait connu. S'exprimant sur cette expérience, il dira : «L'aventure du théâtre du printemps a été merveilleuse et douloureuse à la fois. Merveilleuse, car elle m'a permis personnellement de concrétiser ne serait-ce que momentanément un de mes objectifs personnels, à savoir le maintien de mes œuvres au programme d'un théâtre durant deux ou trois mois et permettre à un maximum de gens de les apprécier. Cette aventure a été aussi douloureuse, car mes partenaires sur ce projet et moi-même avons raté là une occasion unique de conserver un espace d'expression libre que nous regretterons certainement dans un avenir très proche et tout cela pour des considérations si futiles qu'elles ne méritent même pas d'être rapportées ici. En tout état de cause, l'aventure du théâtre du printemps malgré toutes ses imperfections, n'a fait que conforter ma conviction à propos de la viabilité d'un théâtre indépendant et de son extrême nécessité pour le développement durable de l'ensemble du théâtre algérien.»