Le ministère tunisien de la Défense a décidé, hier soir, de rappeler des réservistes partis à la retraite depuis cinq ans ainsi que des conscrits, signe d'une tension persistante dans le pays. Selon un communiqué officiel, relayé par l'agence de presse TAP, le ministère a appelé les militaires partis à la retraite entre 2006 et 2010 et les conscrits de fin 2008 et tout 2009 à se présenter «dans les centres régionaux de conscription et de mobilisation les plus proches de leurs lieux de résidence, à partir du 16 février». L'armée tunisienne compte environ 45 000 hommes, des effectifs sans commune mesure avec ceux des forces de sécurité et de police du temps de Ben Ali, estimés à au moins 100 000 hommes. Depuis la chute du Président Ben Ali le 14 janvier, le gouvernement de transition de Mohammed Ghannouchi est confronté à de fortes tensions et contestations, d'abord à Tunis puis un peu partout en province. Plusieurs membres du gouvernement ont évoqué ces derniers jours un «complot» contre la révolution qui, selon eux, serait l'œuvre de partisans ou hommes de main du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) de l'ex-président, parti qui a été suspendu dimanche. Lors d'un débat hier à l'Assemblée nationale pour autoriser le président par interim à gouverner par décret, Mohammed Ghannouchi a, à nouveau, insisté sur les «dangers» qui menacent le pays. «Il y a des personnes qui veulent faire revenir la Tunisie en arrière mais nous devons honorer nos martyrs qui se sont battus pour la liberté», a-t-il averti. Durant les derniers incidents dans plusieurs régions, la police était totalement absente, et le rétablissement ainsi que le maintien de l'ordre, par exemple à Kasserine (centre), au Kef (nord-ouest) ou Gafsa (centre sud), a été le fait de l'armée. Depuis la révolte qui a emporté le régime de Ben Ali, l'armée est adulée pour avoir refusé de tirer sur les manifestants. Lors du siège fin janvier des bureaux du Premier ministre dans le centre de Tunis par des milliers de manifestants qui réclamaient le départ de ministres trop associés au régime précédent, c'est le chef d'état-major de l'armée de terre, le général Rachid Ammar, qui est venu se mêler aux manifestants pour «garantir» la révolution. «L'armée nationale se porte garante de la Révolution. L'armée a protégé et protège le peuple et le pays», avait-il lancé au mégaphone, acclamé par les protestataires.