Vérité n En l'absence de conditions favorables à leur épanouissement, nombreux sont les artistes qui rêvent de cieux plus cléments, d'exposer à l'étranger et d'obtenir cette reconnaissance qui leur manque. Cependant, faire sortir des œuvres d'art (des œuvres vivantes) du pays est interdit par la loi. Amor Dris Lamin Dokman, un plasticien qui a fait quelques expositions à l'étranger, notamment en France, reconnaît amèrement les difficultés rencontrées par l'artiste lorsqu'il envisage d'aller exposer à l'étranger. «Ce fut une grande expérience pour moi. C'était la première fois que je sortais à l'étranger en passant par un transitaire – c'était une exposition personnelle.» Il explique : «Avant, c'étaient des expositions en passant par des organismes associatifs, car c'est plus facile que de prendre ses propres œuvres pour sortir à l'étranger. Au fait si on fait sortir des œuvres à l'étranger, il y a deux solutions : soit une exposition temporaire, soit une exposition définitive. La première : on fait sortir des œuvres mais on n'a pas le droit de les vendre, et cela ce n'est pas du tout intéressant pour un artiste, puisque celui-ci vit de ses œuvres. La deuxième : les faire sortir, les vendre et ramener leur valeur en Algérie, on a un délai de six mois renouvelable. Or, le problème qui se pose est qu'au niveau des banques, l'artiste (plasticien) n'existe pas, l'artisan n'est pas reconnu au niveau des banques, et nous artistes, nous n'avons pas, d'un point de vue juridique, le droit d'avoir un compte bancaire commercial.» Si les artistes n'ont pas le droit de faire sortir leurs œuvres pour les exposer dans des galeries à l'étranger, c'est juste parce que du point de vue de la loi, leurs œuvres sont considérées comme un patrimoine national. «Il est dit, reprend-il, que si on ouvre le marché de l'art, toutes les œuvres quitteront le pays et les artistes avec, il y aurait même un trafic, notamment par rapport à de grands noms de l'art algérien.» Il reprend : «L'artiste est universel, d'obligation, l'artiste doit sortir, voir ce qui se passe, se mettre en contact avec d'autres artistes, se frotter à d'autres expériences, c'est important que l'artiste bouge, je ne pense pas que tous les artistes vont quitter le pays, c'est notre pays, c'est chez-nous.» Par ailleurs, Amor Dris Lamin Dokman déplore qu'aucune mesure ne soit prise en faveur des artistes. «Il y a une certaine injustice envers les artistes peintres», confie-t-il, et d'expliquer : «Parce qu'on voit plein de choses qui se font au niveau des différentes initiatives (musique, théâtre, cinéma…) entreprises en faveur de chacune par le ministère de la Culture. Le ministère est en train de faire pas mal de choses pour améliorer et structurer la profession, mais rien ou presque au plan investissement par rapport aux plasticiens. Rien n'est fait en leur faveur. Il y a comme une sorte d'abandon total.» Toutefois, il garde, comme ses pairs, espoir. «La ministre de la Culture a promis d'y remédier, et nous n'espérons que ça, qu'elle tienne sa promesse». La création d'un marché de l'art permet à l'artiste de faire de son art une profession, à savoir payer des impôts, bénéficier de la sécurité sociale, d'une retraite ; en un mot d'être reconnu. Amor Dris Lamin Dokman déplore que les artistes ne soient pas reconnus dans leur pays, mais une fois installés à l'étranger, ils sont immédiatement invités à animer des expositions, alors qu'il y a quelque temps ces mêmes artistes étaient ignorés ou marginalisés. Amor Dris Lamin Dokman, pour qui l'art est une source de développement, que ce soit social, psychologique ou intellectuel, regrette que les fortunés ne misent pas sur l'artiste, en investissant dans des œuvres d'art. «L'œuvre d'art est un investissement et rares sont ceux qui investissent sur le travail d'un artiste», confirme-t-il, et de souligner : «Ceux qui, au départ, achètent une œuvre à un prix, doivent savoir qu'avec le temps, celle-ci prend de la valeur. Elle devient cotée sur le marché international de l'art.»