Expression n La poésie de Ben M'saïb est déclinée en calligraphie à travers l'œuvre de Réda Khouan, un artiste originaire de Cherchell. L'exposition comprend une vingtaine de tableaux accrochés aux cimaises de la galerie «Art 4 You». Dans chacun d'eux, l'artiste revisite, suivant son inspiration, les poèmes de ce grand poète tlemcénien du melhoun : Mohamed Ben M'saïb. Le répertoire poétique de Ben M'saïb, décédé en 1768, comprend quelque 3 000 qcidate. Ses textes ont été interprétés par des grands noms de la chanson algérienne, comme Maâlma Yamna, Cheikh Larbi Ben Sari, El-Hadj M'rizek et Amar Ezzahi. L'exposition, intitulée «H'rouf el bali» (lettres de sagesse), offre aux visiteurs l'intégralité de cette poésie populaire, écrite au XVIIIe siècle. Force est de noter que ces poèmes ont été interprétés par plusieurs chanteurs ayant un style de musique différent, allant du bédouin au hawzi, en passant par le chaâbi. D'une grande sensibilité artistique, et sur un air de créativité, autant personnel qu'original, l'artiste reprend la poésie de ce célèbre poète, très connu notamment parmi les amateurs et professionnels du melhoun. Réda Khouan, un profane, mais semble-t-il très inspiré, s'emploie avec un geste fluide et sûr, à tracer sur la surface du tableau des lettres, des compositions alphabétiques. Pour ce faire, il utilise l'encre de Chine et le fusain, en les maniant avec habileté et subtilité, il compose des traits et des tracés, le tout forme une belle calligraphie, légère, distinguée, douce et fine ; c'est une calligraphie qui se lit en profondeur, exécutée dans les styles maghribi avec ses multiples variantes et kufi (de Kufa en Irak). Ainsi, la calligraphie, qui se dévoile dans des envolées lyriques et somptueuses, comprend les différentes lettres de l'alphabet arabe accompagnées des couplets du poème El Wecham avec des couleurs, formes et techniques très variées. L'objectif consiste à conférer à l'art de la calligraphie, tel qu'il est représenté par l'artiste d'un tableau à l'autre. C'est ainsi que Réda Khouan, biologiste de formation, revisite les poèmes de Mohamed Ben M'saïb dans un cadre contemporain, sans pour autant se détourner de son caractère traditionnel et littéraire, ni altérer sa dimension spirituelle. Ses deux composantes, on les retrouve aussi bien dans le tracé que dans la manière dont chacune des lettres est illustrée. L'artiste s'emploie merveilleusement, et d'un simple geste, concis et direct, c'est-à-dire en un tour de main, à capturer, dans un premier temps, des mouvements, des formes et des couleurs et de les transformer, dans un deuxième temps, en lettres apparentes sur différents supports. L'intérêt de parcourir la surface du tableau avec le fusain n'est certainement pas le plaisir de reproduire ces poèmes, mais son souci majeur est de dégager, produire une émotion, c'est-à-dire créer chez l'observateur un effet de sensibilité qui lui permet de s'immerger dans l'univers extraordinaire de la calligraphie, qui, elle, n'est pas une simple transcription de l'alphabet. Elle est poésie plastique. Elle est l'essence même de l'esthétique de la lettre arabe. Ainsi, Réda Khouan cherche, par là, à partager avec le public une sensibilité, une manière de ressentir la quintessence de l'écriture, donc de l'alphabet arabe. L'artiste conçoit la calligraphie comme «une géométrie de l'âme par laquelle elle étale ses lettres toutes en harmonie et en fluidité».