Novembre 1967. Amparo Gonzalez, 18 ans, accouche dans une maternité madrilène. Elle ne verra jamais son bébé, mort-né selon la clinique. Elle est aujourd'hui persuadée d'être l'une des milliers de victimes des vols de bébés de la dictature franquiste. «A cette époque, il était très mal vu pour une femme célibataire d'avoir un bébé», explique cette mère de deux autres enfants. «La première question que les bonnes sœurs m'ont posée en arrivant à la clinique a été : que comptez-vous faire du bébé ?», se souvient-elle. Le lendemain de l'accouchement sous anesthésie, la clinique informe sa mère que le bébé est mort. «On l'a envoyée au cimetière», où les nourrissons étaient enterrés dans des fosses communes : «Impossible de le retrouver.» Acte de décès, certificat d'accouchement : Amparo n'obtient des documents qu'en menaçant de saisir la justice et ils sont pleins de contradictions. Les dates ne coïncident pas, la cause de la mort du bébé varie. Ces enfants volés à la naissance sont vendus à des couples qui ne parviennent pas à avoir d'enfant. Des associations dénoncent un véritable trafic, né sous la dictature (1939-75). Souvent les identités des bébés étaient falsifiées et ils figuraient comme enfants biologiques sur le livret de famille de leurs nouveaux parents. Parfois même, les futures mères simulaient une grossesse avant de venir «acheter» leur bébé.