Ils ont le même profil et les mêmes rêves : surfer librement dans ce «village planétaire». «Bye, je dois m?en aller, ma femme m?attend à Montréal» Djaâffar, 27 ans, connaît parfaitement le décalage horaire entre son Kouba natal et le lointain Québec de sa petite copine cherchée durant deux ans dans le net. On lui demande le prénom de son être chéri. «Ah non c?est ma femme !» s?exclame-t-il. Deux ans de fidélité entre un homme et une femme que pourtant rien ne prédisposait à se rencontrer et à signer un pacte, n?eussent été les bienfaits de l?Internet, la révolution du siècle. 22 heures sonnantes, dans le cybercafé du coin, il règle bien sa webcam et commence par lancer les premiers messages mielleux. Depuis qu?il a trouvé sa Québécoise dans une véritable botte de foin, Djaâffar dit avoir découvert l?amour virtuel. «Elle est à 10 000 km de moi et le courant passe merveilleusement bien. Mais détrompez-vous, on se respecte, pas de sexe, pas d?écarts de langage, le respect total quoi», lance-t-il tout en s?estimant heureux d?avoir une amie outre-Atlantique qui lui veut réellement du bien. «Elle connaît parfaitement ma situation, elle m?a dit qu?elle voulait m?aider par tous les moyens et moi je lui ai annoncé mon souhait d?émigrer au Québec. Je suis sûr qu?elle va faire tout son possible», ajoute-t-il, le regard plein d?assurance. Djaâffar n?est pas seul à profiter des vertus de la «toile» ; comme lui, des jeunes filles et garçons sont devenus des «accros» du Net et ne se privent jamais de passer des journées entières, les yeux rivés sur les écrans. Tchatcher est sans doute le créneau le plus prisé. Ahmed, 30 ans et chômeur malgré ses quatre longues années passées à l?université de Bouzaréah, connaît pratiquement tous les sites et portails du chat. «Il y a une mine de sites, mais, pour moi, c?est ICQ qui est incontestablement le meilleur. Vient ensuite Yahoo Messenger», affirme-t-il en fin connaisseur, lui, qui n?omet pas aussi de mentionner que les «cybercafés» lui ont extirpé tout son argent «de quoi acheter aujourd?hui une Clio», se désole-t-il avant de marteler : «Internet est une drogue, beaucoup plus dangereuse que le kif, la cigarette et la chique.» Souad, une lycéenne de 17 ans, fait partie des «cyberwomen» rivées quotidiennement à leur poste. Son centre d?intérêt reste incontestablement le cinéma avec les stars qui font dérouter actuellement le box-office. «J?aime bien Nicolas Cage, c?est un vrai amour. Je lui ai adressé plusieurs messages dans son site perso», dit-elle. «Une fois j?ai fait un montage photo, lui et moi sur une île déserte ; je lui ai envoyé et j?attends toujours sa réponse !» s?exclame-t-elle toute fière d?avoir Internet comme moyen utile pour s?évader, l?espace d?un après-midi, du «diktat» d?une mère autoritaire qui attend toujours le mektoub de sa fille?