Ils sont bardés de diplômes dans des domaines en forte demande. Ils ont été sélectionnés par le Québec pour leur scolarité supérieure, pour leur connaissance du français, pour leur « indice de fertilité » élevé et la liste est longue. Mais ils sont sans emploi : ce sont les immigrants venant d'Afrique du Nord (Algérie, Maroc, Tunisie et à une moindre mesure Libye, Egypte et Soudan). Leur tort ? Avoir cédé au marketing « humain » du Québec en pleine crise démographique et être issus de pays qui ne savent pas retenir leurs matières grises. Statistique Canada (l'ONS local) qui s'est penché sur le chômage chez cette catégorie de la population a publié, mercredi dernier, les résultats de la première enquête du genre. Celle-ci n'a fait que confirmer le sentiment général que le Québec ne fait qu'écrémer les ressources humaines des pays du Maghreb sans les utiliser à bon escient ou tout juste pour combler les postes de travail que snobent les Québécois de souche. Ainsi, au moment où la province francophone connaît un taux de chômage de 6,3%, celui-ci grimpe à 27,9% chez les Maghrébins qui se sont installés entre 2001 et 2006, soit un taux supérieur un peu plus de quatre fois à celui des Québécois de souche. Ceux qui s'y sont installés entre 1996 et 2001 connaissent un taux de chômage de 18% – 3 fois supérieur que chez les « pure laine ». L'enquête ne dit pas quels emplois occupent ceux qui sont considérés « travailleurs ». Pour Hassane Serraji, co-éditeur du magazine Réussir Ici , cette situation s'explique par le fait que « l'immigration maghrébine est très récente et les Maghrébins n'ont pas encore tissé des réseaux qui leur permettent de trouver les emplois non affichés ». Pour lui, le 11 septembre est aussi à prendre en compte mais n'explique pas tout. De son côté, Lamine Foura, journaliste animateur à la radio et à la télévision, estime que « les structures d'accueil des nouveaux arrivants au Québec sont aux antipodes des critères de sélection ». « Les Maghrébins universitaires n'ont pas besoin de cours de francisation. On continue à appliquer à ces derniers des méthodes qui ont été pensées à une autre époque pour les réfugiés », continue-t-il. « L'argument religieux » Les bonnes volontés québécoises, à l'image d'un chroniqueur d'un quotidien gratuit, demandent aux nouveaux arrivants de prendre leur mal en patience : vers 2011, les baby-boomers vont partir à la retraite et là les portes de l'emploi vont forcément s'ouvrir ! Entre temps, ce sont les centres d'appel qui restent les recruteurs numéros un ! Il n'est pas rare, pour ne pas dire commun, de trouver toute une section d'ingénieurs de l'université de Bab Ezzouar dans un centre d'appel à « apprendre » aux clients des fournisseurs d'accès à internet québécois à trouver le bouton « Démarrer » de windows. Ils sont confortés à longueur de journée à des clients qui en ont assez de ces immigrants qui ne parlent pas français (comprendre français québécois). D'autres préfèrent tenter leur chance dans d'autres provinces canadiennes. Walid M., un ex-ingénieur de Sonatrach, a passé 5 années à Montréal dont 3 à l'école polytechnique pour refaire son baccalauréat (l'équivalent d'une licence) en mécanique. Ne trouvant pas de travail au Québec et après plusieurs petits boulots dans les centres d'appel, il a plié bagage avec sa femme et ses deux garçons dont le plus jeune avait deux semaines, pour la province de l'Alberta. A Calgary, il affirme avoir trouvé un travail dans son domaine après deux mois. Moins chanceux, Malik B. était comptable à Alger dans une entreprise publique. Arrivé à Montréal, il y a deux ans, il a repris ses études mais vient de les abandonner. Il fait partie de ceux qu'on appelle BS (les bénéficiaires de l'aide sociale). Les adeptes de la théorie du complot affirment que ces statistiques vont apporter de l'eau au moulin de ceux qui pensent que les immigrants maghrébins ne peuvent pas s'intégrer à la société québécoise parce qu'ils sont tout simplement musulmans. Tout ceci pour justifier un frein à l'immigration maghrébine.