Résumé de la 1re partie n Jean-Claude Valtaille se rend au bureau de police et leur dit qu'il craint que sa femme Pauline ne se soit noyée... Il en descend un rouquin d'une cinquantaine d'années, vêtu comme un moujik, d'un pantalon de velours, de bottes en caoutchouc, de trois pull-overs superposés, avec, sur la tête, un bonnet d'astrakan. Sa portière, qui s'ouvre en grinçant, exhibe une inscription à demi-effacée : LAFAILLE, PLOMBIER, MARNE-LA-COQUETFE. Il entre en trombe dans les bureaux surchauffés et reste médusé en découvrant le sympathique chef de rayon. «Qu'est-ce que tu fais là, toi ? — Je suis venu prévenir la police... J'ai trouvé ça !» Et Jean-Claude Valtaille montre la lettre de sa femme. Le plombier se penche sur le comptoir et lit la lettre. Puis il prend la feuille de papier, la lève en direction de la lumière pour la regarder par transparence, la repose, examine l'écriture de plus près. Il est manifestement tout à fait déconcerté. «Ce n'est pas son écriture ? lui demande le brigadier. — Si si... mais je ne comprends pas... — Qui êtes-vous ? demande le brigadier. — Qu'est-ce que tu viens faire ici ?» demande Valtaille. Le plombier ne les écoute pas : il réfléchit. Cette fois, le brigadier demande au chef de rayon : «Vous le connaissez ? Qui est-ce ? — C'est mon oncle.» Enfin le plombier semble avoir pris une décision : il tourne le dos à son neveu pour s'adresser au brigadier : «Ne cherchez pas sa femme, elle est chez moi ! Ce salaud a voulu la tuer !» Le «salaud» a blêmi. Le brigadier tape du doigt sur la lettre. «Mais alors comment expliquez-vous ça ? — Je ne l'explique pas. Ce que je sais, c'est que Pauline a frappé à la porte ce matin vers six heures. Lorsque ma femme lui a ouvert, elle est tombée dans ses bras. Elle était grelottante, trempée des pieds à la tête, le visage plein de sang avec de l'herbe dans les cheveux. Tout ce qu'elle a pu dire avant de tomber dans les pommes, c'est que son mari avait voulu la tuer. J'ai été cherché le médecin. Il lui a fait quelques points de suture dans le cuir chevelu. On l'a réchauffée. Maintenant, elle dort. Tous les visages se sont tournés vers le sympathique chef de rayon qui ne trouve rien d'autre à dire que : «C'est pas possible... C'est pas possible.» Vers midi, le brigadier entre dans un pavillon de meulière au fond d'un jardin sauvage de Marne-la-Coquette. C'est le plombier qui ouvre la porte. Derrière lui se tient une grande femme brune solide comme le Pont-Neuf, qui porte dans les bras un paquet à demi-défait. «Entrez, dit le plombier… Pauline va bien... Mais ma femme a été lui acheter une couverture chauffante parce qu'elle grelotte encore de froid.» Dans la chambre du plombier, tout en chêne clair creusé de style 1935, une jeune femme est allongée. Le plus remarquable en elle est le pansement qui lui entoure la tête. Pour le reste, il n'y a hélas pas grand-chose à dire. Elle n'est ni belle ni laide, ni blonde ni brune. Ses yeux marron ne sont ni clairs ni foncés. A-t-elle une bouche ? Oui, une bouche comme tout le monde, mais la bouche de tout le monde. Les oreilles n'ont rien de personnel et le nez se laisse complètement oublier. Parle-t-elle ? Oui elle parle. Et avec une voix de femme, c'est tout ce que l'on peut en dire. Sauf qu'elle n'a pas l'élocution facile, elle cherche ses mots et ne les trouve pas toujours, ce qui émaille son discours d'expressions inattendues, sinon saugrenues. (A suivre...)