Pour la première fois depuis des décennies, l'écœurement de la population face à la corruption endémique en Inde a fait descendre dans la rue des dizaines de milliers de personnes, portées par le même message de colère : ça suffit ! Dans une ambiance de «grand soir», les habitants de New Delhi ont déferlé, hier, vers le centre de la capitale, brandissant le drapeau de l'Union indienne et scandant à tue-tête des slogans contre la corruption, mais aussi contre le Premier ministre Manmohan Singh. De nombreux manifestants confient que le problème de la corruption les rend à la fois honteux et en colère parce qu'ils sont obligés de participer à un système contre lequel ils n'ont pas les moyens de résister. «Nous sommes tellement corrompus. Nous n'avons pas peur de proposer des pots-de-vin et les gens n'hésitent pas une seule seconde à les accepter. On devrait avoir honte de nous-mêmes», clame une manifestante, qui reconnaît avoir payé un dessous-de-table de 20 000 roupies (environ 300 euros) pour pouvoir ouvrir son salon de beauté. De 60 000 à 70 000 personnes ont manifesté, hier soir, mercredi, à l'appel d'un activiste radical, Anna Hazare, qui veut utiliser la tactique de la grève de la faim pour faire pression sur le gouvernement. Ce militant de 74 ans, admirateur de Gandhi avec qui il partage une certaine ressemblance physique, exige le durcissement d'un projet de loi exemptant le Premier ministre et des magistrats de haut rang d'être inquiétés en cas de soupçons de corruption.