Les 714 millions d'électeurs indiens, sur un total de 1,2 milliard d'habitants, ont eu le loisir, un mois durant, de choisir les 543 députés qui les représenteront au parlement, pour les prochaines cinq années. Répartis à travers plus de 800 000 sièges électoraux, 60% des votants, dans 35 Etats et territoires, se sont succédé du 16 avril au 13 mai, dans les bureaux de vote, où grâce au suffrage électronique, ils n'avaient qu'à appuyer sur une touche portant le symbole de leur parti favori. New Delhi De notre envoyée spéciale Cette innovation technologique, en vigueur en Inde depuis plus de dix ans, a permis un dépouillement rapide et sans entache. Mais jusqu'à avant-hier matin, personne ne pouvait se prononcer avec certitude sur l'issue du vote. Et voilà que la victoire des réformistes laïcs indiens est arrivée plus belle que prévu. Jusqu'à la dernière minute, la présidente du Congrès, parti au pouvoir depuis 2004, Sonia Gandhi a préféré observer un profil bas. En Inde, la sagesse et la pondération, deux vertus héritées du Mahatma Gandhi, père spirituel de l'Inde indépendante, sont le credo des politiciens de gauche. Et l'italienne, Sonia Gandhi ne pouvait qu'en faire un trésor. Fille de maçon, née et ayant grandi dans un modeste bourg de la Vénétie, Sonia a vu sa vie basculer lorsqu'elle a connu, à l'université de Cambridge (Angleterre) où elle étudiait l'anglais, son futur mari, Rajiv, l'un des fils de Indira Gandhi. A 62 ans, Sonia, leader du premier parti politique de la plus grande démocratie au monde, est considérée comme la femme la plus influente de l'Inde. Veuve de Rajiv Gandhi, ancien premier ministre assassiné en 1991 par une rebelle tamoule, cette leader politique, adoptée par les indiens, a renoncé à gouverner le pays lors de la précédente victoire du Congrès, en 2004. Elle préféra décliner l'offre au profit de son aîné, ancien ministre de l'économie, Manmohan Singh. Ce choix stratégique a consolidé sa popularité parmi les indiens, même ceux plus sceptiques qui voyaient d'un mauvais œil qu'une étrangère soit devenue si influente dans leur pays si conservateur. Les plus hostiles l'avaient même ironiquement baptisée, Raj Rome (roi de Rome, en hindi). Avant-hier, tôt dans la matinée, et dès que les premiers résultats ont fusé du dépouillement électronique, des foules de sympathisants du Congrès se sont rassemblés devant la résidence de Sonia Gandhi, au 10 rue Janpath, brandissant les drapeaux du parti victorieux et les portraits de Sonia, de sa fille Priyanka et de son fils Rahul. Les nombreux policiers déployés aux alentours n'ont pu que laisser faire les fétards qui s'en sont donné à cœur joie, allumant des pétards, tapant sur des tambours et scandant pendant des heures, sous une chaleur qui dépassait les 41 degrés à Delhi : « Longue vie à Sonia, longue vie au Congrès, longue vie à Manmohan Singh ». Les électeurs du Congrès se trouvent surtout parmi les jeunes indiens. Sourabh est un jeune électricien de 25 ans. Originaire du Pinjab, il a voté lui aussi pour le Congrès. « Ce gouvernement a fait du bon travail. Sonia Gandhi parle toujours des pauvres dans ses discours. Espérons qu'elle pourra poursuivre son engagement et aider les catégories les plus défavorisées de la société. » A côté de lui, Jaya, une jeune étudiante en informatique, partage son optimisme et condamne le discours extrémiste de la droite. « Les partis nationalistes veulent une Inde divisée où régne la haine. Hindous contre musulmans, et musulmans contre sikhs. Mais notre pays reconnait 18 langues officielles et est composé de plusieurs ethnies et confessions », nous explique-t-elle. Le vieux Manmohan Singh, 76 ans, pressenti pour succéder à lui même, au poste de premier ministre, devra veiller à l'unité du géant asiatique, et à gouverner la dixième puissance économique au monde lourdement frappée par la récession économique. La croissance économique en Inde est passée de 9% en 2004 à 5%, taux prévu pour 2009. Mais en attendant, cet économiste réformiste, devait remettre, hier, son mandat aux mains de la présidente Pratibha Patil, comme le prévoit la constitution indienne. Le nouveau gouvernement devra être nommé avant le 2 juin prochain.