Une centaine de millions d'Indiens ont voté hier pour la première phase des élections législatives, bravant les multiples insurrections qui ont quand même mis leurs menaces à exécution. A l'occasion du lancement de la première étape hier, pour laquelle 143 millions d'électeurs étaient appelés aux urnes, des rebelles maoïstes ont tué dans l'est de l'Inde seize personnes, dont neuf paramilitaires déployés pour assurer la sécurité des élections législatives qui ont démarré dans ce pays, a annoncé un responsable officiel. L'attaque est survenue dans l'Etat reculé et peuplé de tribus du Jharkhand (est), un bastion de l'insurrection maoïste, où cinq rebelles et deux soldats avaient déjà péri mercredi dans une fusillade. Cette fois, les guérilleros d'extrême gauche ont fait sauter une mine au passage d'un autobus de la Force de sûreté des frontières, puis ont mitraillé le véhicule dans le département de Lathear, à 140 km de la capitale régionale Ranchi. Des renforts ont été immédiatement dépêchés sur place, où les bureaux de vote sont ouverts pour la première phase des élections législatives qui s'échelonneront dans toute l'Inde jusqu'au 13 mai avec des résultats nationaux le 16 mai. Dans cette Inde totalement fragmentée, le Premier ministre, Manmohan Singh, un Sikh de76 ans, incarne bien le visage de ce maelström d'ethnies, cultures et castes, aux 18 langues officielles, composant probablement la société la plus complexe de la planète. Devenu en 62 ans d'indépendance une puissance atomique et la dixième économie mondiale, ce poids lourd est aussi travaillé par de criantes inégalités sociales et des tensions religieuses entre hindous (80,5%), musulmans (13,5%), chrétiens (2,3%) et sikhs (1,9%). Le scrutin dans cet Etat a été divisé en deux étapes, ce jeudi et le 23 avril. Pour jeudi prochain, le parti communiste de l'Inde-Maoïste (PCI-M), clandestin, a appelé à boycotter les élections. Au moins 15 des 28 Etats fédérés de l'Union indienne dans le Centre, l'Est et le Sud sont confrontés depuis 1967 à des poches de rébellions maoïstes. Ce mouvement indien compte officiellement 9300 combattants répartis en une myriade de groupuscules. L'un des plus puissants est le Parti communiste de l'Inde-Maoïste (PCI-M), clandestin et créé en 2004 par la fusion de deux organisations. En 2007, les violences liées aux insurrections maoïstes ont fait plus de 800 morts en Inde. Le même groupe avait assassiné un député du Jharkhand qui siégeait à l'Assemblée, à New Delhi. Les rebelles disent mener la lutte armée contre de grands propriétaires terriens et les sociétés exploitant des minerais. Ils affirment défendre les paysans sans terre et les tribus. Toutefois, les tentatives du pouvoir fédéral pour sceller un accord de paix ont échoué. Dans un pays où les deux tiers des 1,17 milliard d'habitants vivent en milieu rural, l'Inde est considéré comme le royaume des inégalités sociales avec son cortège de milliardaires face à 620 millions de personnes vivant chacun avec moins de 1 euro par jour. Par ailleurs, près de 4 000 membres des forces de l'ordre ont été déployés dans le Nord-Est pour les élections. Pendant la campagne, explosions, sabotages et embuscades ont fait 15 morts et 100 blessés.