Scrutin - Les Tunisiens se rendent depuis ce matin et pour toute la journée d'aujourd'hui aux bureaux de vote pour élire leur Assemblée constituante et découvrent la fierté d'un vote libre. A Sidi Bouzid, berceau de la révolution qui a chassé Ben Ali en janvier dernier, les électeurs se sont mobilisés ce matin de dimanche et votaient par centaines dans la fierté et la joie. Dès l'ouverture des bureaux à 7h 00 (6h 00 GMT), jeunes et vieux, joyeux et fiers, ont commencé à former de longues queues devant les centres de vote. «Sidi Bouzid s'est mobilisée pour cette journée mémorable», a affirmé un syndicaliste. «Vote dans le calme et la liberté : c'est le résultat de notre révolution», a lancé un avocat qui venait de glisser son bulletin dans l'urne pour un «premier vote libre». «Nous vivons la naissance d'une nouvelle Tunisie, en gestation depuis la révolution», affirme Ahmed Zaâfouri, un autre votant dans cette ville du centre déshérité du pays d'où est parti le soulèvement populaire. Dans cette ville frappée par un chômage persistant, le 17 décembre 2010, Mohamed Bouazizi, un jeune vendeur ambulant, s'est immolé par le feu. Son geste désespéré a déclenché un soulèvement populaire sans précédent, qui a abouti la fuite de Ben Ali le 14 janvier, et donné le coup d'envoi du printemps arabe. Sidi Bouzid a été le point de passage obligé de tous les responsables des grands partis. Dans ce village et partout dans le pays, les Tunisiens votent depuis 7H00 du matin ce dimanche. Ils sortent des bureaux de vote, l'index bleu, le sourire aux lèvres, fiers et solennels à la fois. Un quart d'heure avant l'ouverture des bureaux, ils étaient déjà des dizaines à attendre. Sagement, tranquillement. Pas de débordement de joie, mais une fierté évidente. A Mutuelleville, un quartier chic de la capitale, un jeune homme s'est enroulé dans le drapeau tunisien pour venir accomplir son devoir électoral. C'est la seule petite excentricité de la matinée. Une vieille femme toute voûtée, soutenue par deux jeunes, arrive dans la cour de l'école déjà pleine une demi-heure après l'ouverture. A Ettadhamen, une cité populaire, hommes et femmes attendent séparément. Les voiles multicolores tranchent sur les costumes noirs. Militaires et policiers sont discrets, mais très présents. La majorité des électeurs votent pour la première fois. «Aujourd'hui, il n' y a plus personne pour vous mettre un pistolet sur la tempe, pour vous étrangler ou vous donner des coups dans les côtes les jours d'élection !», déclare un des électeurs. Les gens attendent patiemment, sans bousculade. Les observateurs tunisiens, de jeunes gens identifiables à leur badge, dirigent gentiment, appellent le service téléphonique dédié pour aider les électeurs perdus à retrouver le bureau où ils peuvent voter. 09h 00. Les bureaux sont ouverts depuis deux heures. Un flot régulier et tranquille d'électeurs continue à se diriger vers les centres de vote. Les files d'attente font jusqu'à 2 kilomètres de long dans certains quartiers. Les engagements de Mebazaâ Le président intérimaire tunisien, Foued Mebazaâ, annonce son «retrait définitif de la vie politique» dès la désignation d'un nouveau président par l'Assemblée qui sera élue aujourd'hui dimanche. «Je reconnaîtrai les résultats (des élections) quel que soit le vainqueur et quelle que soit la couleur de la majorité. Je remettrai le pouvoir à celui qu'aura désigné l'Assemblée constituante comme nouveau président de la République», a-t-il déclaré. «Les élections de ce dimanche peuvent donner lieu à des surprises politiques, puisqu'il s'agit des premières élections pluralistes et démocratiques depuis la révolution», qui a chassé Ben Ali après 23 ans d'un règne sans partage, a-t-il ajouté. Les islamistes d'Ennahda sont donnés grands favoris du scrutin. «J'ai confiance dans les qualités de modération du peuple tunisien et de ses dirigeants et je suis optimiste pour l'avenir de la Tunisie et le déroulement des élections», a-t-il encore dit. Il a rendu hommage à la commission électorale (Isie) et à son président, l'ancien opposant, Kamel Jendoubi, pour l'organisation d'élections «qui se tiennent pour la première fois sous l'égide d'une commission indépendante et non sous l'autorité du gouvernement et des institutions officielles». Le 13 octobre, il avait adressé un message rassurant, à dix jours d'un scrutin crucial. «Nous voulons aujourd'hui rassurer le peuple. Les institutions de l'Etat n'ont connu aucune vacance. Le gouvernement remettra ses pouvoirs entre les mains du prochain gouvernement», avait-il déclaré.