De Béjaïa Rendez-vous - Saïd Ramdani participe pour la troisième année consécutive au Festival international du théâtre. Il est responsable – hors les murs – du programme artistique et culturel des arts de la parole. C'est ainsi que, avec ce programme qui englobe les arts de la parole, à savoir le conte, la poésie, le slam…, des espaces publics sont occupés pour dire la parole des anciens. «Nous revenons toujours avec le même esprit, dit-il, c'est-à-dire occuper les espaces en dehors du théâtre pour pouvoir toucher le public qui ne vient pas au théâtre, à savoir les passants. Nous essayons de les attirer au théâtre, les sensibiliser à aller voir les pièces.» Quant à la question de savoir quelle est l'importance de ces espaces publics, Saïd Ramdani répondra : «C'est très important en effet, car ils sont occupés par un public qui ne se déplace pas au théâtre, qui n'a pas de relation avec le théâtre, donc c'est une façon pour nous de drainer tous ces gens vers le théâtre, et en même temps animer et mettre en valeur le spectacle vivant qui, en général, occupe tous les espaces de rue, pas seulement les lieux scéniques.» C'est ainsi que les artistes, seuls, en duo, en trio ou en groupe, vont vers le public. Ils font des interactions avec l'assistance, la font participer aux spectacles et ce, selon les thématiques du programme. «Les arts de la parole sont toujours des rencontres interculturelles», dit-il, et de poursuivre : «Lorsque les artistes viennent de différents horizons, quand ils se rencontrent dans ce programme, ils testent, expérimentent des pratiques ou des formes artistiques afin de donner quelque chose et mettre en valeur le patrimoine oral : poésie, conte, slam… Et la musique accompagne tout cela.» Les artistes qui participent au programme des arts de la parole, font dire à travers des spectacles vivants la parole des anciens, d'où la question : que reste-t-il de cette parole ? «Elle est toujours à valoriser, parce qu'elle existe, elle circule, elle se transmet pas autant que dans l'ancien temps, mais elle circule toujours, mais dans des cercles fermés, dans les familles, dans les milieux qui sont sensibles à ces paroles, comme le chaâbi, chi'r el malhoun… , et nous, nous essayons non seulement de la mettre en valeur, mais de lui donner une valeur artistique contemporaine avec des musiciens qui viennent d'Algérie, d'Afrique, d'Europe ou d'ailleurs.» Quant à savoir si cette parole a évolué ou est restée figée, Saïd Ramdani dira : «Non, on ne peut pas dire qu'elle est figée ou qu'elle a évolué, elle existe, elle est vivante, et c'est ce qu'il faut dire. Elle est vivante et elle reste vivante, mais à un moment donné il faut la mettre en valeur. Il faut la dire, la faire découvrir. Elle est un objet culturel et vivant, et si on ne dit pas cette parole, elle cessera d'exister. Puisqu'au moment où l'on commence à la dire, elle vit, parvenir aux oreilles d'une personne qui, elle, va la réceptionner et la transmettre à son tour. Comme la parole des anciens est complètement adaptée au temps, elle ne peut être que d'actualité.» - Parler des arts de la parole, c'est évoquer immanquablement l'art des planches, d'où la question : y a-t-il un lien entre ces arts et le théâtre ? «Il n'y a pas de lien direct avec le théâtre mais on essaie de créer des formes parallèles pour expérimenter tel ou tel espace scénique ou telle pratique artistique, et on ne peut pas dire que c'est un prolongement dans le théâtre : les arts de la parole et notamment le conte font partie du champ des arts dramatiques dans le théâtre, ce que l'on appelle le théâtre vivant.» Saïd Ramdani, qui anime des ateliers, donne des conférences, organise des séminaires autour du champ de l'imaginaire : l'imaginaire du conte, l'imagination créative, la pédagogie de l'oralité…, explique que «l'art de la parole permet la compréhension des sociétés. On a toujours besoin de la parole des anciens quelle que soit l'époque ou la société ; et quand on la transmet, elle a toujours une signification, une actualité, elle donne un sens qui, lui, fait partie des connaissances du monde, et avec les paroles des anciens on peut comprendre les situations complexes, donc l'autre». Saïd Ramdani a pu constater avec satisfaction que depuis la mise en place de ce programme – les arts de la parole – en marge du festival qu'il soit international ou national, il y a un public qui occupe de plus en plus la rue. «Les espaces publics sont pleins et le public est fidèle, il y a un déplacement, un goût pour le patrimoine oral algérien, d'où la nécessité de le préserver, de le collecter et surtout de le transmettre et de le diffuser.» Ainsi, les arts de la parole, devenue une tradition, draine d'année en année davantage de monde, «et pour nous, venir à Béjaïa est une opportunité, parce que nous essayons, comme cela s'est fait à Alger, de tester les espaces publics et de toucher le public. Il s'agit là d'une autre expérience, d'une autre aventure».