Prérogatives - Des centaines de Tunisiens se sont rassemblés, hier, devant le siège de l'Assemblée constituante élue le 23 octobre pour dénoncer un projet présenté par Ennahda. «Ce mouvement de protestation a pour but d'exiger un meilleur équilibre entre les prérogatives du président de l'Assemblée et des futurs chefs de l'Etat et du gouvernement», a indiqué Jawhar Ben Mbarek, président de la liste Doustourouna et candidat malheureux à la Constituante. Nous revendiquons le principe de l'équilibre pour doter chaque autorité du pouvoir de prise de décision qui lui revient», a indiqué Radhi Ben Hassine un dirigeant de ce mouvement, organisateur du rassemblement. «Président sans prérogatives, président fantoche !», pouvait-on lire sur une pancarte, une autre disait «Non à des prérogatives illimitées pour le chef du gouvernement». «On n'a pas fait la révolution pour ça», ont crié les manifestants, réclamant la retransmission à la télévision des débats se déroulant à huis clos dans les commissions de l'assemblée. Pour Issam Chebbi, du parti démocrate progressiste (opposition), «il y a des craintes d'un retour à la dictature compte tenu des propositions formulées». Des désaccords sur les prérogatives des futurs présidents de la République et chef du gouvernement, ainsi que sur le fonctionnement de l'Assemblée perdurent au risque de retarder la désignation d'un exécutif, alors que le gouvernement intérimaire a démissionné. Deux commissions mises en place dès la première réunion de l'Assemblée le 22 novembre n'arrivaient pas à dégager un accord sur un projet de règlement intérieur de cette institution, chargée de rédiger une nouvelle constitution, mais surtout sur le projet très controversé sur l'organisation des pouvoirs. Ce projet endossé par Ennahda définit les prérogatives des futurs présidents et du Premier ministre pour une période transitoire qui durera jusqu'à la tenue d'élections générales. Selon des élus, Ennahda veut donner «pleins pouvoirs» au futur chef du gouvernement désigné Hamadi Jebali, numéro 2 du parti islamiste. Le chef de l'Etat, qui devrait être le chef du Congrès pour la république (CPR) Moncef Marzouki, n'aurait que des prérogatives protocolaires. Partisans d'un régime présidentiel aménagé, le CPR (29 sièges) et Ettakatol (20 sièges) se sont démarqués du projet d'Ennahda qui défend un régime parlementaire. Le CPR a affirmé son désaccord dans un communiqué hier et assuré qu'il œuvrait à «un meilleur équilibre des pouvoirs». Un élu d'Ettakatol, Khemaies Ksila, avait déjà critiqué Ennahda qui soumet des projets «tout prêts» sur des questions aussi sensibles que les attributions du futur chef du gouvernement. Ces deux partis de gauche ont pourtant formé une «coalition tripartite» avec Ennahda qui dispose de 89 élus à l'Assemblée élue dix mois après la chute de l'ex-Président Ben Ali sous la pression de la rue.