Il est 14h30, ce 6 mars 1995. Au lycée Jacques-Callot, de Vandœuvre, dans la banlieue de Nancy, c'est la reprise des classes de l'après-midi. Et c'est alors qu'un enseignant constate une anomalie. Personne n'a vu Sabrina, une élève de cinquième, depuis le dernier cours de la matinée. Or, elle aurait dû aller à la cantine, puisqu'elle est demi-pensionnaire... S'agit-il d'une fugue ? D'un accident ? Avant tout, il faut chercher dans l'établissement. Un surveillant part explorer les lieux. Pendant un bon moment, il ne trouve rien, jusqu'à ce qu'il arrive aux toilettes du troisième étage. L'une des portes des WC est fermée de l'intérieur. Il l'ouvre, car la chose est possible, comme dans la plupart des sanitaires scolaires, et il pousse un cri d'horreur... Sabrina est par terre, les lèvres bleuies, une cordelette autour du cou. L'alerte est donnée dans la plus grande discrétion, pour ne pas traumatiser les élèves. Les pompiers sont immédiatement sur les lieux, mais ils ne peuvent réanimer la victime et l'ambulance repart sans elle. Plus tard, c'est le fourgon de l'institut médico-légal de Nancy qui emporte le corps, tandis que les services de police envahissent la cour de récréation. Cette fois, il faut bien dire la vérité, au moins en partie. On annonce aux élèves qu'une jeune fille est morte d'une crise d'asthme dans les toilettes... Tandis que l'effervescence s'empare de l'établissement, les choses avancent très vite. Le procureur, arrivé sur place, fait ses constatations et elles débouchent sur une information pour meurtre. Car il peut difficilement en être autrement. La cordelette était trop courte pour que la jeune fille se soit pendue en l'accrochant quelque part. En outre, quand le surveillant l'a trouvée, elle était allongée inanimée sur le sol. On pourrait quand même songer à un suicide, mais mettre fin à ses jours de cette manière particulièrement affreuse, en s'étranglant soi-même, nécessite un courage peu commun. Il fait pourtant examiner cette hypothèse. Des camarades de classe de Sabrina sont interrogés discrètement. Etait-elle déprimée, capable d'un geste de désespoir ? La réponse est unanime, et c'est «non». En revanche, les élèves livrent une information de première importance : Sabrina a eu, le matin, une violente altercation avec sa voisine de banc et amie, Leïla, quatorze ans, de nationalité turque. Les policiers font appeler Leïla pour qu'elle s'explique sur cette dispute, mais elle a disparu en même temps que Sabrina : elle non plus ne s'est pas présentée à la cantine. Dès lors, l'orientation de l'enquête est toute tracée. D'autant qu'au soir Leïla n'est toujours pas rentrée chez elle. Cette fois, ce sont plus que des soupçons qui pèsent sur elle. Mais les enquêteurs sont confiants. Ils sont persuadés qu'elle n'est pas allée loin et qu'elle se cache au sein de la communauté turque. Il suffit d'attendre… Ils ne se trompent pas. Au matin, ils la découvrent en compagnie de ses frères aînés, près de la ZUP de Vandœuvre où elle habite. Elle rentre chez elle, elle a renoncé à se cacher ; en fait, elle est venue se livrer. Et effectivement, quand elle est dans les locaux de la police, elle avoue très vite. Elle fait une ultime tentative pour dissimuler la vérité : — C'est un accident... Les enquêteurs notent eux-mêmes qu'elle écarte ainsi la thèse du suicide mais, tout de suite après, elle s'effondre. — C'est moi qui l'ai tuée ! Alors, elle raconte tout en détail... Le drame a commencé au début du cours de sciences natu-relles de 11 heures. Leïla et Sabrina étaient assises l'une à côté de l'autre, comme d'habitude, mais il y avait un froid entre elles. Elles se faisaient la tête depuis plusieurs jours... Leïla demande à sa voisine : — Tu me prêtes ta règle ? (A suivre...)