Des risques pèseraient sur des vieilles habitations, des monuments et des vestiges historiques situés sur le tracé de la ligne de métro Grande-Poste - Place des Martyrs. «De par son fonctionnement, le métro vibre énormément aussi faut-il être extrêmement vigilants, car la place des Martyrs est un ouvrage qui peut tomber», avertit un spécialiste. Lors d'une conférence sur l'urbanisme dans la capitale, organisée hier, samedi, au Café littéraire Mohamed Boudia de la fondation Casbah, ce spécialiste, connu pour avoir réalisé d'importants bâtiments publics, considère que ces travaux qui feront aboutir le métro dans un quartier qui recèle «la plus grande densité patrimoniale de l'Algérie, comportent un risque pour tout l'environnement urbanistique de la place des Martyrs, ainsi que pour la place elle-même». Selon l'architecte, «il y a deux lignes de voûtes : les voûtes ottomanes et les voûtes en dessous. De par son fonctionnement, le métro vibre énormément, aussi faut-il être extrêmement attentif, car la place des Martyrs est un ouvrage qui peut tomber», a-t-il averti. Il a déploré, à ce propos, le «manque d'informations» sur l'état d'avancement des travaux et l'emplacement des issues des galeries du métro sur ce site protégé, affirmant avoir exprimé son «désaccord lors d'une réunion au ministère de la Culture sur l'emplacement des issues de métro devant Ketchaoua». «C'est à la ville d'indiquer au métro ses issues», a-t-il martelé, insistant sur l'occasion qui doit être saisie pour «repenser la place des Martyrs afin d'en faire un lieu de rencontres pour les habitants de La Casbah». Le plan permanent de protection de La Casbah d'Alger, élaboré par l'Office national de gestion et d'exploitation des biens culturels protégés en Algérie a été adopté au mois d'avril 2011 par la wilaya d'Alger. La mise en œuvre de ce plan est tributaire d'un décret exécutif, seul à même de protéger légalement ce site classé patrimoine mondial par l'Unesco et dont la promulgation devait intervenir avant fin 2011, selon la ministre de la culture. L'architecte, Halim Faïdi, a, par ailleurs, convié le public nombreux venu à cette rencontre à une véritable visite aérienne d'Alger à partir de photos, de cartes et de gravures anciennes. «Alger, vue autrement», a fait voyager l'assistance depuis Alger, ville-fort imprenable à vocation maritime s'élevant sur une baie à tracé elliptique rare, jusqu'à la capitale actuelle qui voit s'ériger un peu partout des cités HLM selon un modèle qui implose partout ailleurs. «C'était une baie avant d'être une ville» a rappelé le conférencier qui explique ainsi pourquoi la France coloniale s'est ingéniée à séparer les Algérois de leur précieux et stratégique rivage. Dans le même ordre d'idées, les mosquées qui bordaient le littoral ont été détruites. «Celles qui ont échappé à la destruction ont été séparées par un symbole fort du capitalisme : la Chambre de commerce», a fait observer l'architecte. Les vues aériennes de Kays Djilali, photographe de renommée internationale, ont fait, pour leur part, découvrir à l'assistance les différents âges architecturaux de la ville et appuyé l'argumentation de Faïdi selon laquelle la ville coloniale s'est inspirée du style urbanistique de la vieille citadelle : construction en amphithéâtre suivant les courbes de niveau, couleur blanche des façades, immeubles solidaires les uns des autres, etc. «La ville a également été un territoire d'utopie artistique et un véritable laboratoire pour des générations d'artistes de tous horizons», a encore souligné le conférencier. Quartier par quartier, de terrasse en terrasse et de rivage en rivage, les invités de l'association Casbah ont visité leur ville comme ils ne l'avaient jamais fait. - Les travaux en cours du tronçon du métro d'Alger entre la Grande-Poste et la place des Martyrs à Alger comporteraient-t-ils un risque pour cette place et ses environs ? Interrogé sur cette question, Belkacem Babaci, président de la Fondation Casbah a déclaré : «Je suis persuadé qu'il y aura des désagréments parce que les immeubles qui jouxtent la mosquée Ali-Bechine, à savoir le 14, le 18 et la galerie Malakoff qui sont déjà dans un état lamentable, risquent à la longue de partir et on n'a pas le droit de laisser dépérir ce patrimoine, notamment les galeries Malakoff qui restent un symbole inestimable pour nos artistes», a-t-il dit. Outre leur valeur patrimoniale, ces constructions servent de rempart. «Malheureusement on voit beaucoup de désagréments, il faut qu'il y ait des schémas et qu'on explique aux gens jusqu'à quelle profondeur iront les travaux du métro. Il faut également qu'on donne une image virtuelle de cette galerie musée», a ajouté M. Babaci. «C'est une station importante. Quand les voyageurs s'y promènent, ils ont devant eux l'histoire de la naissance de la ville», a-t-il conclu.