C'est sans doute parce que le dictionnaire définit le lait comme un aliment complet, que les Algériens en ont fait leur nourriture de base. Car ne nous leurrons pas et contrairement à ce que l'on croit, toute la population n'est pas astreinte à ce manger avalé sur le pouce chez le gargotier du coin. Bien sûr que l'omelette-frites est en passe de devenir un plat national, mais il faut se rendre à l'évidence : les Algériens ne boivent pas de lait, ils le mangent. Servant de base à beaucoup de plats, on le trouve présent partout, notamment pour arroser le couscous et d'autres pâtes tels les vermicelles et sans parler du fameux «l'ben», idéal pour accompagner la galette chaude. Pour dire que les chiffres selon lesquels l'Algérien consomme quelque 130 litres de lait par an sont largement justifiés et peuvent même paraître en deçà de la réalité dans certaines régions comme nos montagnes où posséder une chèvre résout l'ordinaire de la famille. Et voilà qu'on annonce souvent une crise qui se manifeste dans certaines villes où la distribution se fait au compte-gouttes. Terrible ! Passe encore que la patate, cette viande du pauvre, en vienne à narguer le smicard. Ces fluctuations du marché obéissent à d'autres considérations que religieuses ou plutôt la seule religion qu'elles ont, c'est celle de l'argent et voilà le consommateur national pris en otage dans les filets des prix de la matière première. On nous dit continuellement que la poudre de lait subit une inflation, ce qui pénalise fortement les laiteries qui travaillent à perte. C'est là que l'intervention de l'Etat tombe sous un laconique communiqué ou on laisse jouer les mécanismes du marché et, par conséquent, on donne libre cours à ces fluctuations, mais le coût du sachet de lait coûte 40 dinars et même plus. Alors, on soutient les prix en subventionnant ce produit, sinon il faudra s'attendre à un grand malaise sociale et le citoyen ordinaire, celui-là qui se nourrit de lait, est surtout gorgé de discours et d'effets d'annonce où l'embellie financière de l'Etat est quotidiennement mise en relief par la presse nationale comme une prouesse économique, alors que le commun des mortels sait que ces sommes faramineuses engrangées par la trésorerie publique proviennent du pétrole. C'est-à-dire par la grâce de ce sous-sol généreux comme le sein d'une mère. Tous ces milliards de dollars, ces excédents commerciaux, ces recettes pétrolières… cette patate qui nous nargue et ce lait qui nous menace à chaque fois de coûter plus cher ? Soutenir n'est pourtant plus dans la religion de l'Etat surtout que l'on crie haut et fort que le dirigisme, c'est bel et bien fini et libérer c'est se mettre à dos une population sollicitée en ce moment précis où les élections pointent le bout de l'urne. Alors, en attendant «mangeons du lait». Enfin, de quoi je me mêle ? Khelli l'bir beghtah.