Résumé de la 1re partie - A douze ans, Bruno mesure 1,76 mètre pour 70 kilos, un garçon pas comme les autres… Il a quitté ma blanchisserie (j'ai une blanchisserie dans la banlieue de Kiel), en disant : «Je vais faire comme papa, je vais partir en vacances.» II est rentré deux jours plus tard. Je lui ai demandé où il était allé, il m'a répondu : «Dans le bois de bouleaux. Ça sent bon, les bouleaux...» Le visage de sa mère s'assombrit brusquement. — Docteur, il faut que je vous avoue tout. Je sais pourquoi il est comme ça. C'est moi la coupable ! — Racontez-moi cela... Mme Ludke pousse un profond soupir. Elle revit visiblement le moment le plus douloureux de sa vie. — Bruno avait dix-huit mois. Je me suis absentée de la cuisine en le laissant seul. J'ai entendu un cri. Le temps de me précipiter, il était trop tard. Il s'était brûlé avec le réchaud à gaz… Toute sa main gauche n'était plus qu'une horrible plaie ! — Et c'est cela qui, d'après vous, a provoqué son retard mental ? — Oui. Le docteur a pu le guérir, mais il m'a dit : — «J'ai peur que la véritable cicatrice ne reste à l'intérieur. Il est possible que Bruno garde toute sa vie une peur maladive du feu.» Mme Ludke a du mal à retenir ses larmes. — A partir de ce moment, il a fait des cauchemars. Il se réveillait en hurlant : «Le feu, le feu !» Il y a un silence... Le praticien hoche la tête. — Voyez-vous, je ne pense pas que vous soyez coupable de l'état de votre fils. Sa brûlure a peut-être eu un effet aggravant, mais les causes sont plus profondes. D'autre part, ce n'est pas le seul symptôme. Il y a cette horreur du parfum... — Alors, pourquoi mon petit est-il comme cela ? — Pour des raisons physiologiques, génétiques. Il faudrait des examens. — Des examens ? — Nous sommes équipés pour cela. Ensuite, il faudra sans doute placer votre fils dans un établissement spécialisé. — Cela voudrait dire... qu'il me quitte ? Vous devez comprendre. Bruno n'est pas fait pour vivre dans notre monde à nous. Pour l'instant, il ne s'intéresse pas encore aux filles, mais cela ne va pas tarder. Quand l'instinct sexuel s'éveillera en lui, dans ce domaine-là aussi, il se comportera comme un animal... Magda Ludke murmure quelques mots d'assentiment, mais elle n'a pas vraiment fait attention à ce que vient d'expliquer le médecin. Elle en est toujours à ce qu'il lui a dit avant : il faudrait que Bruno la quitte. Et, intérieurement, elle a pris sa décision. Non, elle ne se séparera pas de son petit ! Elle l'aime plus que ses autres enfants. Et puis, le docteur se trompe, avec ses mots savants. C'est elle la coupable de ce qui lui est arrivé. Des examens, elle sait très bien que cela ne sert à rien. Si Bruno est comme il est, c'est parce qu'il s'est brûlé bébé ! Quelques minutes plus tard, elle quitte la clinique psychiatrique en sa compagnie, fermement résolue à ne jamais y retourner. Elle vient de décider du destin de son fils et, malheureusement, pas seulement du destin de son fils. Deux ans ont passé. Bruno a encore grandi et il a embelli, s'il est possible. Mais c'est dans son comportement qu'il a le plus changé. II n'a plus l'attitude égale, impassible qu'il avait avant. Il a tendance à devenir nerveux, irritable. Son regard bleu, naguère limpide, a maintenant quelque chose de trouble... (A suivre...)