Inquiétudes - Abderrahmane Khelifa, historien et archéologue, a exprimé ses préoccupations quant au devenir du patrimoine matériel de la ville d'Alger. Abderrahmane Khelifa a déploré, lors d'une conférence, au centre des loisirs scientifiques (place Maurice Audin), que ce patrimoine soit en voie de disparition. Sa conférence, qui avait pour thème «Alger, histoire et patrimoine», a été étayée par une projection d'images et de photographies. Chacune illustrait un point de vue. «Alger est une ville au passé millénaire à sauvegarder, son patrimoine est en voie de disparition, et les quelques traces qui en sont encore vivantes sont complètement méconnues des Algérois», a-t-il déclaré, et d'ajouter : «C'est notre carte d'identité. Chaque fois qu'une maison tombe, c'est une partie de notre identité qui part.» Abderrahmane Khelifa est d'abord revenu sur les plus grandes étapes historiques de cette ville dont la présence d'habitants remonte à près de deux millions d'années. Des diapositives ont illustré cet héritage patrimonial plusieurs fois millénaire. On a appris, lors de l'intervention d'Abderrahmane Khelifa, pour qui Alger est «un véritable carrefour de civilisations, qu'entre Chéraga et Aïn Benian, il y aurait 30 dolmens qui datent de 5 000 ans avant notre ère. Cela signifie que très tôt, le site d'Alger a été habité et évidemment a été occupé jusqu'au grand rocher. On a trouvé des vestiges qui remontent à 300 000 ans», a-t-il souligné. Abderrahmane Khelifa a en outre montré sur diapositive une autre image illustrant une stèle épigraphique, «le seul vestige à Bab Azzoun où est inscrit le nom d'Alger, Icosium, la véritable carte d'identité de la capitale».«Les différents responsables de la mairie ne connaissent pas l'importance de ce vestige qui est peint à la chaux, une substance qui le dénature complètement», a-t-il regretté, et de faire appel «pour qu'on décroche cette stèle, la conserver dans un musée et la préserver, parce que demain elle peut tomber ou être démolie». Notons que Abderrahmane Khelifa a publié un beau livre Histoire d'El Djazaïr, Beni Mezghana.S'exprimant sur cet ouvrage, il dira : «Quand j'ai fait ce livre, je ne pouvais pas montrer ce qui n'était pas beau dans la ville, je me suis contenté de belles images, mais Alger ce n'est malheureusement pas que cela.»Interrogé sur l'objectif de ce livre, il répond: «Je veux attirer l'attention des pouvoirs publics sur le fait que notre ville est un trésor inestimable et que c'est notre carte d'identité. Chaque fois qu'une maison tombe, c'est un peu de notre identité qui s'en va.» Abderrahmane Khelifa regrette que rien ne soit encore fait et d'une manière sérieuse pour mener un long travail de sauvegarde. «Nous risquons de voir notre patrimoine qui est notre mémoire commune à tous, nous perdre et disparaître à jamais si on ne fait rien.» Abderrahmane Khelifa s'est ensuite exprimé sur La Casbah. Il a présenté plusieurs images de maisons qui tombent en ruine. «Il y a péril en la demeure, les textes ne suffisent pas à sauver La Casbah de l'effondrement total s'il n'y a pas d'actions concrètes qui doivent être menées tout de suite. C'est une grande partie de notre identité qui va s'effondrer avec elle», a-t-il déploré. Notons par ailleurs que cette conférence a été organisée par l'établissement Arts et culture, et ce, à l'occasion du Mois du patrimoine, s'étalant du 18 avril, date de la célébration de la Journée mondiale des sites et monuments jusqu'au 18 mai, Journée internationale des musées.