«On ne peut rien contre les forces de l'argent, hélas», dira le conférencier M.Abderrahmane Khelifa. A l'occasion du Mois du patrimoine, L'Association des amis a organisé, samedi dernier, une conférence à la Bibliothèque nationale d'El Hamma, animée par le spécialiste Abderrahmane Khelifa, sur le thème «Alger, art, culture et patrimoine». Appuyé de projection d'images d'archives et autres géographiques sur la ville d'Alger, le conférencier s'attellera sur la beauté et la richesse historique de cette ville millénaire, aujourd'hui, tombant en ruine, salie et négligée...Nommant les lieux et leur histoire, M.Khelifa parlera d'Alger depuis son existence jusqu'à nos jours, à travers toutes les différentes périodes historiques. Il évoquera Icosium sous l'occupation romaine, dévastée au Ve siècle par les vandales, son occupation au VIIe siècle, par des tribus nomades venant d'Arabie, devenue El Djazaïr Beni Mezghana par le prince berbère Bologhine, qui la fonda au Xe siècle, sur les ruines de l'ancienne cité. Il évoquera le port qui servira de refuge aux corsaires aux XIVe et XVe siècles, aussi du corsaire turc Aroudj appelé par le sultan d'Alger, Selim 1er, après la mort de Ferdinand V en 1516, pour libérer la ville de la présence des Espagnols, ce qui lui valu l'appellation de Djazaïr el Mahroussa. Il parlera également de l'arrivée des Ottomans jusqu'à l'occupation française. «Alger de l'époque antique était sous la Casbah, dans les quartiers de la Marine...». M.Khelifa, n'hésitera pas à montrer les détritus qui jonchent le sol au milieu des ruines antiques. En faisant un arrêt sur une image du Bastion 23, le conférencier soulignera la disparition de nos canons qui, aujourd'hui, se trouvent dans des musées à l'étranger. Il comptait 175 fontaines et 65 bains, à l'époque. Il dénoncera, par ailleurs, le manque de civisme et le non-respect des normes architecturales liées principalement au patrimoine, ce qui le fera dire qu'«on ne peut rien contre les forces de l'argent» qui, elles, continuent à ériger le béton à tout-va, au détriment de la nature et vestiges civilisationnels, sans oublier la mauvaise gestion de la restauration, notamment de certaines mosquées complètement défigurées aujourd'hui. Vers 1875, il y avait 142 mosquées. Il en reste une quarantaine. Le conférencier n'aura de cesse d'évoquer la maison de Mustapha Bacha, l'une des plus belles maisons d'Alger, dira-t-il, sise à la rue des frères Mechri. Et de révéler avec stupeur: «Dans les caves ou salles de cette maison, gisent à même le sol toutes les archives de la fédération du FLN qui sont jetées partout. J'ai plusieurs fois fait des écrits pour alerter l'opinion publique, sans succès.». La Casbah a été également au centre du débat qui, chaque année, est remis sur le tapis sans le moindre résultat concret. En effet, si l'Etat affirme entreprendre des opérations de restauration grâce à l'aboutissement de lois qui le lui permettent enfin, il n'en est rien de l'évolution de ces travaux, du moins tant que rien n'est divulgué à ce sujet. Encore un Mois du patrimoine où l'on devise et érige des expos sans pourtant susciter au public, le moindre intérêt, d'aller visiter ces musées...Reste aussi, il est vrai, un autre problème de civisme dur à régler. Alger est sale. Cela s'appelle indifférence et négligence. Jusqu'à quand? Comment peut-on parler dans ce cas d'«art» et de «culture»?