Patriotisme n Deux mois avant le début de la Coupe du monde de football 1958, trente joueurs professionnels du championnat de France quittent l'Hexagone. Le 15 avril 1958, la France apprenait l'étrange disparition de Rachid Mekhloufi, de l'AS Saint-Etienne, qui avait qualifié l'équipe de France pour le Mondial et faisait partie des quarante présélectionnés pour la Suède, de Mustapha Zitouni, également de l'équipe de France, de Boubekeur, Bentifour et Bekhloufi, tous quatre de l'AS Monaco, de Rouaï d'Angers, de Bouchouk et Brahimi du Toulouse Football-Club, et de Kermali de l'Olympique Lyonnais. Neuf joueurs algériens qui avaient décidé de rallier Tunis où était installé le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), laissant derrière eux des carrières prometteuses. «Je n'ai pas hésité», a déclaré, dans un entretien à France Football, Rachid Mekhloufi, à l'époque sous les drapeaux au bataillon de Joinville. Les gens raisonnent en termes de carrière, de palmarès et de finances, nos footballeurs de l'époque y pensaient aussi, mais ce n'était rien à côté de leur amour pour la patrie. L'idée de créer cette équipe révolutionnaire, qui deviendra l'ambassadrice de l'Algérie jusqu'à la fin de la guerre en 1962, est née, en 1957, au retour de Mohamed Boumezrag du Festival mondial de la jeunesse à Moscou. Brandissant le drapeau vert et blanc, une équipe de foot y avait représenté le sport algérien. Boumezrag s'est alors souvenu que, quelques années auparavant, un mois à peine avant le début de la Révolution du 1er Novembre 1954, une sélection d'Afrique du Nord avait battu la France par 3 buts à 1 dans un match organisé au profit des victimes du séisme d'Orléansville. Avec Mokhtar Arribi, entraîneur d'Avignon, avec Bentifour, avec le docteur Moulay, qui organisait les étudiants algériens, et avec Mohamed Maouche du Stade de Reims et également présélectionné pour le Mondial, il commence à mettre au point l'opération départ. Bentifour part le premier pour San Remo en Italie. Deux jours plus tard, les trois autres Monégasques partent avec Rouaï pour Rome. Les cinq hommes rallient ensuite Tunis où ils seront rejoints par les quatre autres joueurs qui passeront par la Suisse, après un contretemps, car Mekhloufi, blessé, est hospitalisé à Saint-Etienne. C'est en route vers la frontière qu'ils apprennent que leur fuite est connue. Ils parviendront à passer en Suisse mais oublieront de récupérer Maouche qui les attend à Lausanne et qui, sans information, décidera de rentrer à Paris. À Lyon, il apprend que ses amis sont passés. Il tente alors de revenir en Suisse mais se fait arrêter. Emprisonné, il ne sera pas jugé comme déserteur et terminera son temps sous les drapeaux dans les Chasseurs alpins. Cela ne l'empêchera pas de continuer à organiser le départ d'autres joueurs et, le 2 novembre 1958, ils sont trente à Tunis. Rabah Khazini