13 avril 1958 - 13 avril 2008. 50 ans séparent ces dates. C'est l'âge de la légendaire équipe du FLN et de la fabuleuse histoire de 33 joueurs algériens évoluant en France qui répondent à l'appel du FLN pour « rendre populaire la cause algérienne auprès des opinions occidentales qui jusqu'ici se désintéressent de ce qui se passe en Méditerranée », souligne le chercheur Kader Abderrahim dans son livre L'indépendance comme seul but. Selon les principaux acteurs, les footballeurs, historiens et chercheurs, l'idée de mettre sur pied une équipe de football qui se produirait dans le monde pour défendre la cause algérienne, au plus fort de la guerre de libération, a germé dans l'esprit des dirigeants algériens à l'occasion du Festival mondial de la jeunesse que Moscou (ex-URSS) a abrité en 1957. L'Algérie, pas encore indépendante, avait participé à ce festival avec une équipe de football. C'était l'équipe de l'ALN constituée de footballeurs combattants et de joueurs qui portaient les couleurs de clubs tunisiens. Le défunt Mohamed Boumezrag était le responsable de cette sélection. Vers la fin de l'hiver, le FLN lui a confié la mission de contacter les footballeurs algériens évoluant dans l'Hexagone pour préparer le départ de la France vers un pays ami pour constituer « une équipe de football représentative de la cause algérienne ». Ce n'était pas une mince affaire. A l'époque, la cause algérienne était dans les couloirs de l'ONU. Beaucoup de choses ont été dites sur cette corrélation entre la politique et le football, et c'est sans nul doute Christian Bromberger, directeur de l'Institut d'ethnologie méditerranéenne et comparative (IDEMEC) qui livre la meilleure approche sur le sujet : « Le football n'est pas seulement un moyen de mobilisation et de confrontation entre Etats. Il a été et demeure un puissant catalyseur des revendications nationalitaires de peuples aspirant à l'autonomie ou à l'indépendance ». Effectivement, à partir de 1958 et la mise sur pied de l'équipe du FLN, la cause algérienne est mieux connue à travers le monde grâce à la renommée des joueurs qui composent cette sélection. Commentant cette page d'histoire, Kader Abderrahim dira : « L'équipe du FLN devient l'ambassadrice d'une nation sans Etat et popularise le combat mené à l'intérieur de l'Algérie. » Toujours selon le même auteur, le président du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), Ferhat Abbas, a dit aux joueurs de cette sélection : « Vous venez de faire gagner dix ans à la cause algérienne. » Les joueurs adhèrent Informés du projet, quitter leurs clubs respectifs et la France pour aller à l'étranger et former une équipe qui sillonnera le monde pour faire connaître la cause algérienne, les footballeurs sollicités adhérent sans hésitation. S'organise alors le départ vers Tunis via la Suisse et l'Italie. Au total, trente-trois footballeurs algériens mettent une croix sur leur carrière en France. Les initiateurs de cette fabuleuse aventure humaine ont bien planifié le coup. Au printemps 1958, la France du football prépare sa campagne du mondial suédois. Nous sommes au début du mois d'avril 1958. Le sélectionneur de l'équipe de France, Paul Nicolas, vient d'annoncer la liste des 40 pré sélectionnés français pour la Coupe du monde 1958 en Suéde. Quatre Algériens figurent dans la liste. Mustapha Zitouni, Rachid Mekhloufi, Abdelaziz Bentifour et Mohamed Maouche. Le 14 avril 1958, des joueurs algériens quittent clandestinement la France à l'appel du FLN. Un match international amical, France-Suisse, était programmé trois jours plus tard. Mustapha Zitouni (Monaco) et Rachid Mekhloufi devaient y prendre part. Le jour de ce rendez-vous franco-helvétique, ils ne seront pas présents. Le soir du 14 avril 1958, neuf joueurs algériens quittent le sol français sans éveiller le moindre soupçon. Vingt-quatre heures plus tard, la France stupéfaite découvre leur « disparition ». Les historiens qualifieront le 14 avril 1958 de « date fondatrice pour le football algérien ». La nouvelle produit l'effet d'une bombe au sein de l'opinion française. Les médias français en font leurs choux gras durant plusieurs jours. Le 15 avril, les titres annoncent : « Neuf footballeurs algériens ont disparu ». Le quotidien l'Equipe souligne : « L'équipe reste en France même si le mot France prend un sens plus étroit. » Paris match y va aussi de son commentaire et consacre un reportage à Mustapha Zitouni qui devait commander la défense des Bleus contre la Suisse, trois jours plus tard. En définitive, c'est dix joueurs qui ont disparu dans la nature ; Rachid Mekhloufi (Saint Etienne), Mustpaha Zitouni, Abderrahmane Boubekeur, Abdelaziz Bentifour, Kadour Bekhloufi (Monaco), Mohamed Maouche (Reims), Amar Rouai (Angers), Bouchouk et Saïd Brahimi (Toulouse), Abdelhamid Kermali (Lyon). La Fédération française de football (FFF) a porté l'affaire devant la FIFA, demandé des sanctions contre les joueurs, annulation des contrats, et actionné l'instance internationale pour qu'aucune association nationale qui lui est affiliée ne joue contre cette sélection. Les fédérations d'Europe occidentale adhérent à la proposition française, sans aucune hésitation. Le problème qu'a posé ce départ massif de joueurs algériens évoluant en France n'était pas sportif uniquement. Il est intervenu dans un contexte difficile pour la France. Le FLN lui menait la vie dure sur le terrain et au plan diplomatique. Des pays amis de l'Algérie ont bravé l'interdiction brandie par la FIFA et accepté que l'équipe du FLN donne la réplique à leur sélection « habillée » du costume de clubs. Il s'agit du Maroc (7 matches), Tunisie (4), Irak (6), Jordanie (3), Libye (2), Bulgarie (6), l'ex-Yougoslavie (5), l'ex-URSS (4), Hongrie (4), Roumanie (4), l'ex-Tchécoslovaquie (4), la Chine (5), Nord Vietnam (4). Une fois rassemblés à Tunis, les joueurs professionnels algériens sont entraînés par le défunt Mokhtar Arribi (entraîneur-joueur), Abdelaziz Bentifour et Saïd Haddad.Sur le nombre de rencontres jouées par l'équipe du FLN entre 1958 et 1962, les historiens et chercheurs ne sont pas sur la même longueur d'onde en ce qui concerne ce volet. Pour les uns, l'équipe livra 91 matches (65 victoires, 13 défaites et 13 nuls), a marqué 385 buts et encaissé 127, pour les autres, elle a joué 58 matches (44 victoires, 10 nuls, 4 défaites, 246 buts marqués et 66 encaissés). L'indépendance Après l'indépendance de l'Algérie en 1992, les joueurs de l'équipe du FLN ont connu des fortunes diverses. Certains atteints par l'âge ont mis un terme à leur carrière de joueur et se sont orientés vers celle d'entraîneur. Une seconde catégorie s'est installée au pays pour promouvoir le football national (Arribi, Kermali, Bentifour, Boubekeur, Zitouni, Bekhloufi, Oualiken). Les autres, les plus jeunes à l'époque, Mohamed Soukhane, Ahmed Oudjani, Saïd Amara, Rachid Mekhloufi et Mohamed Maouche, sont retournés en France. Rachid Mekhloufi a transité par le Servette de Genève avant de retrouver Saint Etienne, alors que Mohamed Maouche est devenu entraîneur-joueur d'un club suisse (Martigny) avant de poser ses valises en Algérie, plus exactement à Mostaganem. Ces joueurs formèrent le premier noyau de joueurs de l'équipe d'Algérie indépendante. Plusieurs s'orientèrent ensuite vers la fonction d'entraîneur, après avoir joué quelques saisons au sein de clubs algériens. Cinquante ans plus tard, les survivants de cette fabuleuse histoire vont se retrouver pour célébrer cette date anniversaire par le biais de la Fondation équipe du FLN.