Témoignage La réhabilitation de ce musée national est un geste de gratitude envers l?humaniste. Le musée national Nasreddine-Dinet de Bou Saâda organise, depuis hier, une exposition collective à laquelle prendront part de nombreux artistes comme Larbi Arezki, Zohra Sellal, Salah Hioun, Souhila Belbahar, Safia Zoulid? et bien d?autres, soucieux de l?intérêt porté à ce haut lieu de l?expression picturale. L?objectif de cette manifestation artistique, qui s?étalera jusqu?au 25 mai ? un événement coïncidant avec le mois du patrimoine ? consiste à redonner une vie artistique d?un haut niveau à la région de Bou Saâda et de combler ainsi le vide de ce lieu, déserté depuis plus d?une décennie. Un abandon causé par les artistes, en raison des événements tragiques qu?a connus l?Algérie, notamment le sort auquel le musée a été confronté. Durant la dernière décennie, le musée Nasreddine-Dinet, créé en 1969, a connu la main destructrice des fascistes et obscurantistes (islamistes et terroristes). Cette exposition, qui regroupe les grands noms de la peinture algérienne se veut, par ailleurs, une occasion de sensibiliser les pouvoirs publics en suscitant un intérêt des autorités concernées sur le devenir du musée, et l?urgence de le réhabiliter afin de préserver sa mémoire et de lui consacrer une notoriété régionale, nationale et internationale, aussi. Car, sachons-le, les tableaux de Nasreddine Dinet sont cotés à l?étranger par les experts, et ses collectionneurs «convoitent» son précieux héritage, évalué à plusieurs centaines de tableaux et plusieurs manuscrits. Un héritage appartenant au patrimoine culturel algérien. Nasreddine Dinet, de son vrai nom Alphonse Etienne Dinet, d?origine française, issu d?une famille bourgeoise et catholique, est un remarquable peintre. C?est «un artiste qui maîtrisait son métier, écrivait Mohamed Racim, et un homme de c?ur et d'esprit, animé par une foi très sincère. C'est aussi un être attachant et pourtant solitaire...» Nasreddine Dinet est un grand peintre humaniste, à l??il vif et à la sensibilité pénétrante, qui a su représenter l?Algérie des deux premiers quarts du XXe siècle. Installé à Bou Saâda dès 1883 et converti à l?Islam en 1913, Nasreddine Dinet, né à Paris le 28 mars 1861, d'une famille originaire du Loiret, s?est voué à la peinture pour laisser ses dons naturels s?épanouir. La Mère Clotilde, portrait d?une vieille paysanne avec sa coiffe blanche, est sa première ?uvre et fut bien accueillie par les critiques et les amateurs du Salon de 1882. En 1883, il reçoit une mention honorable pour son Rocher de Samois (Fontainebleau) et fait, la même année, son premier voyage en Algérie. Sa découverte de cet ailleurs magique aux couleurs chatoyantes l?amène à envisager, en 1884, un second voyage, qui sera décisif. Il y restera à jamais, jusqu?à la fin de sa vie, en 1929. En 1884, Nasreddine Dinet fait un grand périple jusqu'à Ouargla et Laghouat. C'est la découverte décisive et émerveillée du Sud qui va profondément marquer sa vie, notamment sa peinture. Parmi les ?uvres lumineuses rapportées de ce voyage, figure l'admirable vue des Terrasses de Laghouat (exposée au Musée national des Beaux-Arts d'Alger). Ainsi, «de cette rencontre paisible entre mode de vie, sensibilité et spiritualité, naîtra la peinture orientaliste de Dinet, démodée mais sincère, attachée à peindre l?âme musulmane». Nasreddine Dinet laisse près de cinq cents tableaux et plusieurs ouvrages, dont la plupart cosignés avec son ami Slimane. Aujourd?hui, rouvrir les portes du musée, qui n?est autre que la maison de Nasreddine Dinet, et occuper à nouveau ses espaces en les prêtant à diverses manifestations artistiques et culturelles, c?est d?abord préserver et faire valoir la mémoire, le talent et la générosité de l?artiste. C?est aussi se montrer généreusement reconnaissant envers celui qui a épousé la terre algérienne et a épousé les habitudes et les traditions des Algériens, qui s?est voué à l?Algérie et à sa population, envers celui qui a consacré tout son talent à la représentation généreuse et sincère de cet ailleurs qui est devenu sien sur les toiles, durant toute sa vie.