Rencontre - Olympe Bhêly-Quenum a connu, pendant la Guerre de Libération nationale de nombreux écrivains algériens et a même milité pour la cause algérienne. «J'ai connu en effet beaucoup d'écrivains maghrébins et notamment algériens qui étaient mes amis, à l'instar de Mouloud Mammeri», se souvient-il. «J'ai connu aussi Kateb Yacine. Je l'ai très bien connu. Il venait chez moi. On discutait beaucoup. On a beaucoup voyagé ensemble. Dans ma jeunesse, j'ai eu de nombreux camarades algériens au lycée et aussi à l'université (en France). On s'est rencontré pendant la Révolution algérienne. On a été des militants. J'étais d'ailleurs très mal vu, et la police me demandait, moi qui étais Béninois, ce que je venais faire dans cette histoire.» A la question de savoir pourquoi les écrivains africains, pour leur plupart, ne jouissent pas d'une renommée internationale, Olympe Bhêly-Quenum répondra : «Les écrivains africains francophones qui mettent en cause certaines vérités, ne sont pas publiés en France, et très peu obtiennent des prix littéraires. Ils les obtiennent d'ailleurs au forceps. Si quelques écrivains se font éditer en France, c'est parce qu'ils écrivent ce que les Français veulent savoir ou voir, et pas ce que nous, Africains, pensons. Les uns sont placés très haut, sur un piédestal, et les autres, en revanche, sont ignorés.» Olympe Bhêly-Quenum confie que durant toute sa carrière – elle se résume à trente années d'écriture – il a été boudé par les médias français. «La presse française n'écrit pas un mot de moi, et je m'en fous totalement», dit-il, et de se féliciter : «Je suis traduit en Grèce, en Russie, en Amérique... Parce que je suis écrivain indépendant, et cette catégorie d'écrivains n'est pas appréciée par les Français. La ligne éditoriale française préfère des auteurs qui caressent dans le sens du poil.» Olympe Bhêly-Quenum, pour qui la littérature africaine n'est pas lue, regrette que l'écrivain, porteur d'idées, d'une vision, d'un imaginaire et d'une sensibilité, n'a pas vraiment de statut. «En tant qu'écrivain, on se sent étranger dans notre pays», déplore-t-il, et de préconiser : «Pour y remédier, il faut mettre en place une politique culturelle efficace, et cette même politique doit être menée par des experts et, en plus de cela, il faut que ces derniers soient cultivés. Il faut qu'il y ait aussi des critiques littéraires bien formés, qu'il y ait une presse spécialisée ou du moins que des journaux consacrent des espaces pour rendre compte de ce qu'écrivent les Africains. Il faut privilégier la traduction, tout comme créer un réseau de distribution, des forums de rencontre...» La littérature africaine est écrite et ce, c'est l'Histoire qui le veut, soit en français soit en anglais et, dans certains pays anciennement colonisés par le Portugal, en portugais, d'où la question : y a-t-il une littérature africaine écrite dans les langues régionales ? «La littérature africaine existe dans sa version maternelle, c'est-à-dire celle écrite dans les langues africaines», dit-il et d'abonder : «Le problème auquel elles sont confrontées, c'est qu'elles n'ont pas de lecteurs. Quand on écrit, par exemple, en bambara, qui lirait ce livre ? Très peu de personnes, seulement celles qui parlent cette langue. Pour y remédier, il faut alphabétiser d'abord dans sa langue maternelle, il faut savoir l'écrire et la lire pour donner à l'écrivain plus de visibilité. Si ça ne peut pas se lire, ça ne peut pas se vendre.» Par ailleurs, Olympe Bhêly-Quenum estime qu'écrire dans une langue maternelle et en français s'avère une complémentarité. «Lorsqu'un écrivain écrit dans sa langue maternelle, il sera lu par les lecteurs appartenant à sa langue maternelle, et lorsque le même écrivain écrit en français, il sera aussi lu par ceux parlant sa langue maternelle et aussi ceux ayant appris le français. C'est formidable», conclut-il.