Il était une fois dans un pays très lointain qu'on appelle le Paraguay, un pauvre fermier et sa femme travaillaient très dur sur leur lopin de terre. Le sol était tellement sec que leurs outils se cassaient souvent et qu'à chaque coup, un nuage de poussière s'élevait de la terre. Ils gagnaient donc juste de quoi vivre mais quand on dit juste de quoi vivre, c'était juste de quoi vivre. Jamais de superflu chez José et Anina mais malgré tout c'étaient des gens très gentils, heureux de vivre. Un jour, Anina reçut la visite d'un voisin qui lui dit qu'à une journée de marche de chez eux, un riche fermier ne pouvait trouver suffisamment de travailleurs pour l'aider à la récolte. Elle proposa à son mari : — Pourquoi n'irions-nous pas aider ce fermier ? Ici, nous mourons presque de faim. Chez lui, nous pourrions gagner suffisamment d'argent pour vivre décemment. Son mari la regarda, préoccupé et lui dit sur le ton de la confidence : — Je ne dis pas non, mais ne sais-tu pas que cette région est habitée par le grand génie de la forêt ? C'est un ogre immense, poilu, à la barbe rouge sang et aux yeux de jais qui lancent des éclairs. Il dévore tous les hommes qu'il rencontre et ramène les femmes chez lui afin qu'elles travaillent pour lui. Le danger n'est écarté que l'après-midi, car c'est à ce moment qu'il dort. Je n'ai pas tellement envie d'y aller. Ca ne m'étonne pas que ce fermier ne trouve plus suffisamment de gens pour rentrer la récolte. Tout le monde a peur. Je ne pense pas que ce soit une bonne idée d'aller habiter aussi près d'un tel monstre. — Moi je n'ai pas peur ! dit Anina, en riant. Je resterai à l'intérieur et je n'irai faire les courses que l'après-midi. Je t'en prie, allons-y. Je pense que c'est la meilleure chose qui puisse nous arriver ! Fatigué d'entendre sa femme lui dire tous les bénéfices qu'ils pourraient tirer de leur nouvelle situation, José finit par accepter. Ils emballèrent leurs maigres affaires et quittèrent leur misérable chaumière en quête d'une vie meilleure. Après un jour de marche, ils arrivèrent chez le riche fermier. Celui-ci possédait une magnifique ferme située loin de la forêt du génie. En outre, de nombreux hommes faisaient des rondes afin d'empêcher le génie d'entrer. On donna immédiatement du travail à José aux champs et le fermier leur indiqua une maisonnette à l'orée de la forêt, où ils pourraient habiter. — Vous pourrez vivre ici en toute tranquillité, dit le fermier à Anina. Veille toutefois à rester à l'intérieur. Ne sors que l'après-midi, car c'est le moment où le génie de la forêt se repose. Je vous ferai apporter de la nourriture tous les jours par mes hommes afin que vous ne couriez aucun danger. Et c'est ce qui se passa. Chaque jour, les hommes de la ferme leur apportaient des vivres. José gagnait bien sa vie en travaillant aux champs et ils étaient très très heureux. Ils n'avaient pas aperçu le génie de la forêt et Anina en venait à douter de son existence. Mais elle se trompait ! Caché dans la forêt, il l'avait déjà observée à plusieurs reprises. Il en était même tombé un peu amoureux. (A suivre...)