Mystère Selon la tradition, l?énorme tombe renfermerait les restes d?un géant. En arrivant à Sidi-Aïch, il faut emprunter une route en lacis qui n?en finit pas de monter. A Chemini, on est à 800 mètres d?altitude et on peut dominer la vallée de la Soummam, où le fleuve serpente, dans un grandiose paysage de pierres et de végétation touffue? Chemini, c?est le domaine des Ath Waghlis, une tribu jadis puissante qui a donné du fil à retordre à tous les envahisseurs et qui, aujourd?hui, habite ces montagnes vertigineuses, auxquelles s?accroche, comme des nids d?aigle, une multitude de villages et de hameaux? A côté des vieilles maisons de pierre aux toitures rouges, dans le pur style kabyle, se dressent des constructions modernes, toutes flanquées de garages et de dépendances. L?argent de l?émigration, à la fois ancienne et forte, y est pour quelque chose, mais il y a aussi le travail des hommes qui, en quelques décennies, a changé la physionomie de la région. Avant d?arriver au centre urbain, où se concentrent les principaux commerce de Chemini ? ici, les gens disent Azru Ath Chemini, le rocher des Ath Chemini, une tribu ou une fraction de tribu aujourd?hui disparue ? on peut, en empruntant un chemin qui descend, à gauche, accéder à l?un des plus vieux cimetières de la localité, et à une fontaine. Le cimetière et la fontaine appartiennent traditionnellement à un village, Larba, situé non loin de là? Le cimetière est, en fait, divisé en deux : il y a le vieux cimetière où les tombes sont juste délimitées par des pierres taillées, dressées en «témoins» sans aucune inscription, et il y a le cimetière actuel, aux tombes construites, le marbre portant les noms des défunts et des inscriptions en arabe, en français et, fait récent, en berbère. Une clôture hâtive a été placée pour empêcher les moutons d?aller brouter sur les tombes. Il y a aussi les enfants qu?il faut surveiller : les ballons ont déjà brisé plus d?une pierre tombale? Le vieux cimetière, lui, est d?accès plus difficile. De toute façon, les tombes qui s?y trouvent étant anciennes, très peu de gens les visitent. En tout cas, la plupart des morts qui y reposent sont tombés dans l?anonymat : seuls quelques personnes âgées peuvent encore se rappeler un nom? D?ailleurs, expliquent les anciens, on faisait exprès de ne pas mettre de nom sur les tombes, de ne pas ériger d?édifices dessus. Les hommes étant égaux devant la mort, ils devaient tous être enterrés de la même façon et, tous, au bout de deux ou trois générations, retomber dans l?anonymat. Ce n?est pas comme aujourd?hui où les gens construisent de vrais monuments sur les tombes. C?est à qui édifierait le plus grand et le plus beau. L?étranger, lui, personne ne le connaît. Sa tombe, gigantesque, à en croire la distance qui sépare les pierres indicatrices de la sépulture, est envahie par les herbes et, aussi loin que l?on remonte, on l?a toujours appelé l?étranger, «aghrib» en kabyle, et sa tombe «azekka weghrib», la tombe de l?étranger. Peu de gens connaissent l?histoire de cet étranger. Mais en interrogeant les anciens, on peut reconstituer son histoire, une histoire mêlée de légendes? (à suivre...)