De Ouargla Evénement - Organisé par le ministère de la Culture, un séminaire international sous le thème : «Ouargla, secteur sauvegardé», s'est tenu à la Maison de la culture Moufdi-Zakaria, de Ouargla, hier et avant-hier. Unanimes, les spécialistes nationaux et étrangers ayant participé à cette rencontre, ont insisté sur l'importance d'un secteur sauvegardé et la préservation des valeurs historiques du patrimoine bâti où toute population devrait vivre et ne pas partir uniquement du principe de l'occupation, comme l'a si bien souligné, le représentant de la ministre de la Culture, M. Batroni. «La réappropriation de l'urbanisme saharien traditionnel ne devrait pas se concevoir comme une volonté de retour en arrière, sur fond de dualité et de confrontation entre les modes de constructions ou de types de matériaux aux vertus considérées antinomiques : la terre, la pierre et le béton.» Et d'ajouter : «Habiter un lieu n'est pas l'occuper. C'est y vivre. Construire n'est pas édifier, c'est transmettre du sens et de la représentation.» Les spécialistes ont annoncé le nombre de 19 secteurs sauvegardés à l'échelle nationale, dont 9 plans permanents du secteur sauvegardé déjà lancés, 2 autres en cours de lancement et 2 approuvés (La Casbah d'Alger et celle de Constantine), ainsi qu'une centaine de ksour. L'Agence nationale des secteurs sauvegardés, nouvellement créée, a pour mission, selon son directeur, Lazhar Bounafaa, de réhabiliter l'identité, la mémoire historique et la stabilisation des habitants. Selon lui, Ouargla compte 14 secteurs sauvegardés et 4 551 bâtisses à restaurer. «Elle est le bastion de tous les secteurs sauvegardés à l'échelle nationale. Chacun de ces secteurs sauvegardés a sa propre particularité et constitue une école», nous a-t-il déclaré. Selon le directeur général de l'Office de gestion et d'exploitation des biens culturels protégés (Ogbc), Abdelouahab Zekkagh, notre pays, compterait une centaine de ksour, dont un grand nombre est abandonné. «Nous allons activer pour une restauration des ksour, basée sur l'intervention sur le matériau et non pas sur l'image ksar qui doit rester intègre», a-t-il souligné, rappelant que le site de Ouargla par exemple, est un secteur sauvegardé, avec sa double valeur matérielle et immatérielle. Une valeur qui exige la participation massive de la population locale. Sur ce point, l'experte Yasmine Terki, commissaire du séminaire «Ouargla, secteur sauvegardé», et directrice du Centre algérien du patrimoine culturel bâti en Terre (CAPTerre), nous a affirmé, en marge de la rencontre, qu'une réalité s'impose. «La population ne comprend pas bien ce qu'est un secteur sauvegardé, ni l'importance des matériaux locaux. D'où une opération de sensibilisation et de vulgarisation à engager, car on ne peut arriver à restaurer un ensemble historique ou des édifices voués à disparaître, si on n'obtient pas l'adhésion des populations locales.» Pour sa part, le conseiller au ministère de la Culture, Zouhir Ballalou, estime qu'en tant qu'outil participatif, le plan de sauvegarde implique une concordance sociale « car il joue un rôle de dynamique d'économie locale et développe entre autres, un tourisme culturel à travers les ksour et les palmeraies. De son côté Mme Rachida Zadem, la chargée d'études et de synthèse au sein du ministère, a expliqué les mesures incitatives prévues par la loi depuis l'année 1998, en direction notamment des propriétaires privés. Le geste et la matière Outre l'expérience des plans permanents de sauvegarde et de mise en valeur des secteurs sauvegardés en Algérie, à l'exemple de La Casbah d'Alger et de la Vallée du M'zab, la rencontre a été un espace d'échange avec les experts étrangers, venus d'Espagne, de France et de Belgique. Ces derniers ont exposé leurs expériences respectives en matière de sauvegarde du patrimoine bâti. Le directeur du patrimoine de la ville d'Arles (France), Bouzid Sabeg, a démontré l'exemple réussi de la politique globale de gestion et de valorisation du patrimoine de cette ville. Xavier Casanova, architecte professeur à l'Université d'architecture de Barcelone (Espagne), a, pour sa part, expliqué que tout processus de réhabilitation commence par la décision politique d''agir sur la base de la perception des problèmes. «Ainsi, un cadre de gouvernance participatif permettra l'interaction entre les secteurs impliqués (pouvoirs publics, experts et société civile). L'expérience pratique a également été partagée par le directeur de l'école d'Avignon (France), Patrice Marot Sir qui a parlé de la nécessité de la transmission du savoir-faire. Ce dernier a bien été exposé par le spécialiste en matériaux, Philippe Bertone, lui, a insisté sur le geste simple et la manière pour une restauration durable grâce aux matériaux traditionnels (terre, chaux, plâtre, ciment traditionnel...). Le secteur sauvegardé, c'est tout un processus, selon le directeur du projet Rmsu Euromed Héritage (Belgique), Xavier Graz. «Un projet de réhabilitation vise l'augmentation de la qualité de l'environnement architectural et urbain.» «Nous occupons notre ksar» Beaucoup d'habitants de Ouargla ont quitté leurs maisons pour s'installer hors de leurs ksars à cause de la dégradation de leurs bâtisses ou pour fuir la promiscuité, vivant au sein de familles nombreuses. El-hadj Abdelkader Mahdjer est né dans l'un des quartiers relevant du ksar de Ouargla dit «La Casbah», qui regroupe 3 archs différents, les Beni Ouaguine, Beni Sissine et Ben Brahim. «Mais depuis l'éclatement de la famille, nous sommes installés hors du ksar. Nous nous regroupons souvent chez nous au ksar, avec notre mère âgée de 95 ans, autour d'un thé ou d'un repas», nous dit-il. Pour sa part, le président de l'Office de tourisme de Ouargla, Abdelkader Talbi, qui est, lui aussi, né dans le ksar de Ouargla, le plus ancien ksar au monde, se dit sidéré par les immeubles construits çà et là au niveau du ksar. «Il faut garder son architecture traditionnelle afin de préserver le patrimoine», dit-il. M. Hafsi, le président de l'association de protection du ksar de Ouargla, se dit soulagé et ce, depuis la décision, il y a 2 semaines, pour la création du plan de sauvegarde de Ouargla (30 ha) et de Temacine (6 ha).