Déception - Encore sous le coup de la réaction violente de Da Moh, Meziane apprend par Yahia que Tassaâdit va se marier. Un coup de tonnerre résonne dans la tête de Meziane. Comment ça ? Avec qui ? Car Yahia est le seul à qui Meziane a confié les sentiments qu'il éprouve pour Tassaâdit. Yahia, qui semble trouver un malin plaisir à remuer le couteau dans la plaie, ajoute : — Elle va épouser un gars des Aït Oubili, qui travaille en France... Meziane s'effondre sur le sol, la tête entre les mains Son ami, avec un grand sourire, le regarde un moment et s'éloigne en lançant : — Bonne chance, Meziane c'est la vie ! Trois jours plus tard, le jeune homme profite de la sieste de sa famille après le déjeuner, pour se saisir du fusil de son père pendu à l'entrée, prêt à servir en cas d'attaque, et se coule entre les arbres, souple comme un félin. Il a enlevé son burnous, dont la couleur claire risque d'attirer l'attention des Beni Fergane. Il choisit le chêne aux branchages touffus, sur le chemin qui mène chez les Aït Oubili, et grimpe en haut de l'arbre, déterminé à en finir. Quand la grosse chaleur de l'après- midi commence à tomber, il voit passer sur le chemin la procession des Aït Oubili, les hommes en premier tenant une mule harnachée d'un bât sur lequel on a déposé un tapis écarlate. Tenant les rênes agrémentées de rubans multicolores, un homme d'un certain âge avance lentement entouré d'une dizaine de jeunes gens vêtus d'un burnous blanc. Derrière eux, des femmes suivent en chantant et en poussant des youyous stridents qui touchent le cœur de Meziane comme autant de flèches. Longtemps après, il entend, venant de la route des Beni Fergane, le bruit de la joyeuse procession qui revient vers son village, emmenant la mariée vers sa nouvelle demeure... Tassaâdit Elle est là, installée sur la mule harnachée recouverte d'un haïk blanc. Les youyous sont plus fournis et, de temps à autre, des salves de fusils de chasse trouent l'air. La jeune fille se balance légèrement au rythme du pas de la mule tenue fermement par le vieil homme, certainement le père du marié. Des hommes, sur le côté de la procession, avancent lentement, portant une valise et un grand afnik, le coffre contenant le trousseau de Tassaâdit.. Meziane sent son cœur se glacer. Tassaâdit ne sera jamais à lui, elle est enlevée par les Aït Oubili ! Alors quand elle s'approche suffisamment, le jeune homme pointe son fusil vise la tête de sa bien-aimée sous le pudique haïk immaculé et tire...