Accueil - Les femmes sont bien reçues par les parents de Mounira, fiers de recevoir des citadines. Presque avec réticence, les sourcils légèrement froncés, les quatre sœurs s'installent sur el-hassira (natte) posée à même le sol. On leur offre quelques coussins recouverts d'un tissu synthétique, pour caler leur dos contre le mur. — Soyez les bienvenues ! Ces gens simples, hommes et femmes, s'affairent pour réserver à leurs hôtes le meilleur accueil. Dans la pièce à côté, les hommes sont assis sur des matelas, car on donne toujours ce qu'il y a de meilleur aux hommes. Les sœurs se lancent des regards entendus pleins de suffisance, presque méprisants devant un tel dénuement. — Tu as vu ? assises à même le ciment ! — Regarde cette peinture bleu foncé sur les murs ! glousse Zahoua, qui a la langue la plus pendue d'entre ses sœurs. La mère de Mounira, portant une robe à carreaux sous un tricot blanc malgré la chaleur de l'été, s'approche des visiteuses et leur dit dans un grand sourire : — Soyez les bienvenues, mes sœurs... Avez-vous fait un bon voyage depuis Skikda ? — Oui, merci ! Mais vous vivez, ici, dans un monde à part, au milieu de la montagne. — Un véritable paradis, renchérit hadja Khedidja de sa voix rauque. Et cette eau ! Khirêt ! Vous vivez avec la baraka de Dieu ! — Ah, c'est vrai, Ma el-hadja ! Nous sommes bien ici, et le mektoub nous a réservé une place ici ! Chacun suit son mektoub. Sur le front ridé de la femme, un tatouage bleu met en valeur sa peau claire, tannée par le soleil. — Vous avez des houêyech, demande el-hadja. — Oui, quelques vaches, mais nous avons aussi cinq moutons... «El kheir entaâ Rabi ! » Pendant cette conversation, deux femmes placent devant leurs invitées une grande meïda sur laquelle elles ont déposé des tasses de café noir, préalablement sucré. Puis une jeune fille, la sœur de Mounira, apporte une large assiette en terre contenant une grande «tamina» aux dattes, dégoulinant de beurre frais, dont l'odeur se répand dans la petite pièce. (A suivre...)