Préparatifs - L'accord conclu entre le gouvernement malien et les rebelles touareg a ouvert la voie à la présidentielle prévue le mois prochain. Dés lors, pressé par le temps, Bamako dispose de moins de 40 jours pour organiser ce scrutin crucial pour sortir le pays de la crise. L'accord signé mardi à Ouagadougou après dix jours de négociations avec les Touareg qui occupent Kidal, leur fief du nord-est du pays, a été bien accueilli au Mali et à l'étranger. Il a en effet permis de lever un obstacle essentiel, celui de Kidal, abondent aussi des analystes maliens. Pour un proche du président malien par intérim Dioncounda Traoré ayant suivi de près les discussions à Ouagadougou, «c'était ça ou rien. On allait tout droit dans le mur si on n'arrivait pas à obtenir l'organisation de la présidentielle dans la région de Kidal». «C'est un accord intermédiaire, pour permettre l'organisation de l'élection présidentielle» sur l'ensemble du territoire, y compris à Kidal : «On n'a pas réglé tous les problèmes, on a déplacé une partie des problèmes», estime de son coté le sociologue Mamadou Samaké. La présidentielle de juillet est jugée cruciale par la communauté internationale pour aider le Mali à sortir de la plus grave crise de son histoire, ouverte en 2012 par la prise du nord du pays par des groupes jihadistes, un temps alliés au MNLA. L'opération franco-africaine a permis de chasser les jihadistes des grandes villes, mais des poches de résistance demeurent dans certaines zones, posant la question de la sécurité. Avant même l'accord, les autorités maliennes avaient déjà lancé les opérations préparatoires du scrutin. Mardi, alors qu'une grande partie des Maliens et de la communauté internationale avaient les yeux tournés vers Ouagadougou, le ministère de l'Administration du territoire -en charge de l'organisation des scrutins- réceptionnait du matériel électoral, ont rapporté la télévision publique ORTM et le quotidien national L'Essor. Une partie «est destinée au remplacement du matériel électoral dans les régions de Tombouctou, Gao et Kidal», vastes provinces du Nord ayant été sous occupation rebelle et jihadiste, a expliqué à l'ORTM un responsable du ministère ayant réceptionné le matériel. Tout doit être y acheminé avec l'appui de l'ONU. Cette dernière qui a salué, hier mercredi, la signature de cet accord, a «invité tous les signataires à appliquer pleinement ses clauses». Dans une déclaration unanime, les 15 membres du Conseil «invitent les groupes armés du nord Mali qui ne sont pas signataires de cet accord, et qui ont rompu tous liens avec des organisations terroristes, à s'engager sans conditions à respecter toutes ses dispositions». Un verrou a sauté Le document de Ouagadougou entre le gouvernement et les groupes armés touareg du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) et du Haut conseil pour l'unité de l'Azawad (HCUA), prévoit un cessez-le-feu, un retour de l'armée malienne à Kidal et un cantonnement des combattants touareg sur des sites de regroupement. Un verrou symbolique a donc sauté. Mais «en pratique, les parties (signataires) doivent encore discuter des derniers détails techniques», a reconnu peu après la signature tant attendue le représentant de l'ONU au Mali, Bert Koenders. Ces «détails» touchent à «la sécurité, le retour de l'administration, des services essentiels aux populations dans la région de Kidal et la préparation» de la présidentielle. Pour les analystes, le désarmement des groupes touareg armés, renvoyé à plus tard, est le plus sérieux obstacle au retour à une paix durable au Mali. C'est que le MNLA est jugé par l'écrasante majorité des Maliens, y compris dans l'armée, comme le principal responsable des malheurs du pays, puisque c'est lui qui, avec les islamistes liés à Al-Qaîda, avait lancé l'offensive contre l'armée malienne en janvier 2012. En attendant l'accord global En vue de la présidentielle, l'accord prévoit que les forces de défense et de sécurité maliennes doivent entamer "dans les meilleurs délais" un "déploiement progressif" dans la région de Kidal, tandis que des éléments précurseurs seront envoyés dans la ville elle-même "sans délai". Les groupes armés touareg devront cantonner leurs hommes mais le désarmement n'interviendra qu'une fois signé un accord "global et définitif de paix" après la présidentielle. Prudence et courage : les maîtres mots Dans l'accord, «même si on parle de cantonnement» des groupes armés touareg, «il est difficile de pouvoir les surveiller», estime le sociologue malien Mamadou Samaké. «Le processus DDR (démobilisation, désarmement et réinsertion) est long. (...) Il faut de la patience, surtout que la machine reste huilée», analyse un membre de la force africaine Misma. Pour éviter toute ambiguïté, «il faut que le dispositif qui sera mis en place à Kidal soit de nature à empêcher toute infiltration de terroristes. Sinon, ça compliquerait les choses», prévient le chef d'un bataillon africain joint à Gao, la plus grande ville du Nord. Pressé par une opinion publique voulant «le désarmement sans condition des rebelles touareg» et une communauté internationale voulant éviter «un désarmement rapide et brutal» de ces groupes, le gouvernement malien a en fait opté «pour la ligne médiane», analyse un proche du président Traoré. «Signer est une chose, mettre ses engagements en application en est une autre», prévient Pierre Buyoya, médiateur pour l'Union africaine. Il a exhorté les parties à «faire preuve du même courage et la même détermination» dans la mise en œuvre des décisions prises à Ouagadougou. Mais le porte-parole des mouvements touareg précise déjà que «nous adhérons solennellement [au cessez-le-feu], mais à condition que les groupes armés indépendantistes et terroristes du Nord déposent les armes».