Tension - Après avoir refusé la veille de quitter deux places du Caire occupées depuis un mois, les partisans du président égyptien islamiste déchu, Mohamed Morsi, ont lancé hier, vendredi, un autre défi, en appelant à de nouvelles manifestations devant des QG des forces de l'ordre. La police a lancé des bombes lacrymogènes et chargé les manifestants pro-Morsi devant un complexe abritant des médias égyptiens, que les islamistes accusent de complaisance à l'égard du pouvoir de transition dominé par l'armée, alors que des émissaires occidentaux tentent d'ultimes médiations pour éviter un bain de sang. Les partisans de Mohamed Morsi occupent toujours deux places du Caire pour faire pression sur l'armée jusqu'à ce que leur président soit rétabli dans ses fonctions.. Abdallah Sami est abrité derrière des barricades de sacs de sable et de pierres. «Je suis ici pour défendre ma foi et Dieu est mon arme», affirme Sami depuis la place Rabaâ al-Adawiya, où se tient l'un des deux sit-in des partisans de M. Morsi dans la capitale égyptienne. Les manifestants islamistes ont cependant refusé jeudi dernier d'évacuer les deux places et affirmé qu'ils allaient poursuivre leurs manifestations. «Victoire ou martyr», annonce une banderole à proximité du rassemblement. Mais, tandis que l'attente de l'intervention de la police se prolonge, l'anxiété monte au sein du sit-in. «Il n'y a pas de troisième option, soit Morsi revient et nous gagnons, ou nous mourons», assure Abdallah Adel. Et un professeur de physique, Mahmoud Bedewy, portant sa petite fille sur son dos d'ajouter : «Je défie le ministre de l'Intérieur de me tuer, ainsi que mes six enfants et ma femme». Une trentaine de jeunes gens casqués et munis de gourdins ont été désignés pour protéger les entrées du sit-in pendant que des masques médicaux sont distribués. «Nous nous préparons du mieux que nous pouvons. Les masques serviront à protéger les jeunes gens contre les gaz lacrymogènes», affirme Mohammed Aboul Fotouh. Des planches de bois parsemées de clous attendent d'être posées dans les rues afin de crever les pneus des voitures de sécurité qui s'approcheraient. Hier, vendredi, les Frères musulmans avaient appelé une autre fois de plus leurs partisans à venir grossir «pacifiquement» les rangs des deux sit-in sur les places Rabaâ al-Adawiya et Nahda du Caire. «A bas Sissi, Morsi est notre président», scandaient les manifestants en ville, en référence au général déjà adulé par une grande partie des Egyptiens et par la presse quasi-unanime du pays. Le vice-président par intérim et prix Nobel de la paix, Mohamed ElBaradei a appelé à l'ouverture d'un dialogue avec les Frères musulmans. Il a estimé qu'il ne pourrait pas contenir longtemps les faucons du gouvernement et de l'armée qui, fort d'un soutien croissant de la population, prônent la manière forte contre les manifestants islamistes. «Des gens sont vraiment furieux contre moi parce que je dis : prenons notre temps, parlons avec eux. L'humeur, maintenant, c'est plutôt +écrasons-les+», a-t-il assuré dans un entretien avec le Washington Post, ajoutant : «Je tiens le fort, mais je ne tiendrai pas longtemps». Kerry appelle au calme Le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, a appelé hier, vendredi, au calme en Egypte après avoir affirmé la veille que l'armée avait destitué le président Mohamed Morsi pour «rétablir la démocratie», un nouveau signe de l'embarras de Washington face à la crise de son allié. Arrivé à Londres, après une visite de 36 heures au Pakistan, M. Kerry a rencontré son homologue émirati, Abdallah ben Zayed al-Nahyane. Les deux ministres ont exigé d'une même voix un indispensable «retour à la normale» en Egypte, un mois presque jour pour jour après le renversement, le 3 juillet, par les militaires égyptiens, après des manifestations populaires massives, du président Morsi. «Nous allons travailler très dur pour rassembler toutes les parties afin de trouver un règlement pacifique qui permette à la démocratie de se développer et qui respecte les droits de tous», a déclaré M. Kerry, qui s'était rendu au Caire début mars et y avait laissé un chèque de 250 millions de dollars (189 millions d'euros) d'assistance économique. «La dernière chose que nous voulons, c'est davantage de violence», a assuré le secrétaire d'Etat, qui a dépêché au Caire son secrétaire d'Etat adjoint, William Burns.