Mulholland Drive, des maisons de milliardaires, des portails énormes, dotés de systèmes de sécurité électroniques, caméras, codes, gardes du corps en uniforme, chiens méchants aux crocs luisants. Un monde de rêve ? Il règne dans ce quartier de Beverly Hills une atmosphère de paranoïa luxueuse. Un journaliste américain l'a parfaitement décrite ainsi : «Je me sens cerné par l'œil rouge et féroce des alertes électroniques. Les propriétaires de ces maisons semblent hurler devant chaque porte blindée : «C'est à moi, essayez de me le prendre, et je vous tue.» Et ils sont sérieux.» Nous avons affaire ici à l'expression parfaite du syndrome américain de la sécurité à tout prix, et à coups de milliards. Mulholland est le dernier rempart de Beverly Hills, au flanc de Santa Monica et de la côte Pacifique. On y trouve près de cinq cents instituts de beauté pour huit librairies seulement ! Le moindre pantalon en jean coûte une fortune en dollars, il est plus facile d'y louer une Rolls que d'y acheter une paire d'espadrilles. Et il est rare de croiser une femme qui ne soit passée par les mains magiques d'un chirurgien, visage refait, rides effacées et seins en silicone. Comme si la fortune pouvait à jamais reculer le temps. Malgré cette débauche de luxe et de richesse, nul ne s'y sent en sécurité. Sinon, pourquoi construirait-on de telles forteresses, derrière lesquelles les gens vivent dans la peur d'être kidnappés, assassinés, violentés de toutes les façons ? La police de Beverly Hills publie une statistique rassurante : deux meurtres par an. L'année 1988 vient de remplir son quota en une seule nuit. La magnifique villa de José et Kitty Menendez, en dépit de son système de sécurité, des multiples interphones, caméras et fermetures blindées, offre à la police une vision d'épouvante, en ce 20 août 1989 à minuit. José Menendez, quarante-cinq ans, immigré cubain à l'avènement de Castro, a fait fortune en Amérique. Il dirige une énorme société de programmes vidéo, laquelle appartient à une autre énorme société de production, laquelle doit une partie de sa réussite à la production de Rambo II. Il est également à la tête d'une société de production de musique, International Video Entertainment. Le Wall Street Journal a publié récemment les bénéfices de ce holding, en le situant en tête des sociétés concurrentes. Son épouse Kitty, quarante-sept ans, lui a donné deux fils, Lyle, vingt et un ans, et Erik, dix-huit ans. Ils vont à l'université en Alfa Romeo rouge, Lyle a des prétentions de scé-nariste, Erik voudrait devenir joueur de tennis professionnel. Le 20 août 1989, vers minuit, c'est la voix de Lyle, hystérique, qui appelle la police de Beverly Hills : «Au secours, ils ont tué nos parents !... Au secours !...» Le correspondant entend également crier : «Erik, éloigne- toi ! Ne regarde pas !»Vision d'horreur. Pire que dans le pire des films d'hémoglobine. Le couple a été massacré, mis en morceaux à coups de carabine à pompe. Cinq balles dont une dans la nuque ont fait exploser le corps de José Menendez. Son épouse a subi le même sort, dix balles en tout. Les cadavres sont méconnaissables, la pièce dans laquelle ils se trouvaient ce soir-là, regardant tranquillement la télévision, offre un spectacle insoutenable. Lyle et Erik, les deux fils de la famille, expliquent à la police qu'ils ont trouvé la porte ouverte en rentrant du cinéma un peu avant minuit. Ils avaient décidé d'aller voir le nouveau James Bond, Permis de tuer. Mais le film étant trop long, ils ont changé de salle pour aller voir Batman. En sortant, ils se sont rendus au festival annuel des restaurants chic de Santa Monica, puis ils ont cherché à rejoindre un ami dans un restaurant de Beverly Hills, mais ne l'ont pas trouvé et sont donc rentrés chez eux quelques minutes avant minuit. La porte blindée donnant sur la rue n'était pas verrouillée, celle de la maison était ouverte, et dans le salon, près d'une table à café où se trouvaient encore deux coupes de framboises à la crème, ils ont découvert les corps de leurs parents. (A suivre...)