Alors que les rebelles du M23 et l'armée rwandaise prennent progressivement possession de Goma, dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), la sonnette d'alarme à été tirée par l'Onu face à la crise humanitaire et des droits de l'Homme qui se profile dans la métropole. L'armée régulière de la RDC et le groupe armé Wazalendo, qui la soutient, perdent du terrain à Goma, où le M23 et les forces rwandaise ont pris le contrôle, au cours des dernières heures, de plusieurs secteurs clés du chef-lieu du Nord-Kivu. «Les forces du M23 contrôlent l' aéroport et il existe un risque réel d'effondrement de l'ordre public dans la ville, compte tenu de la prolifération des armes », a notamment déclaré le porte-parole du Secrétaire général, Stéphane Dujarric, lors d'un point de presse à New York. Dujarric a également indiqué avoir eu connaissance de pillages dans la métropole, alors que le personnel non essentiel de l'ONU stationné à Goma a été temporairement relocalisé. Dans ce contexte, le Secrétaire général des Nations unies, António Guterres, s'est entretenu séparément par téléphone, mardi matin, avec le Président de la RDC, Félix Tshisekedi, et son homologue rwandais, Paul Kagame. « Ils ont évidemment évoqué la situation actuelle dans l'est de la République démocratique du Congo », a signalé M. Dujarric. Durant l'entretien du chef de l'ONU avec le Président Kagame, « l'accent a été mis sur la nécessité de protéger les civils dans la région », a précisé le porte-parole. De son côté, le chef des droits de l'homme de l'ONU a mis en garde contre la « crise des droits humains » en cours à Goma. «Les civils sont confrontés à des risques graves, notamment en raison de l'utilisation d'armes explosives telles que des mortiers et de l'artillerie lourde dans des zones densément peuplées », dans une déclaration de Volker Türk. Il a notamment signalé que des tirs d'obus avaient touché au moins deux sites abritant des personnes déplacées. Le Haut-Commissaire aux droits de l'homme a également souligné le risque d'une détérioration générale de l'ordre public à Goma après l'évasion, lundi, d'environ 4.763 prisonniers de la prison de Muzenze, l'établissement pénitentiaire le plus important de la ville. Il s'est dit très préoccupé par la situation des défenseurs des droits humains, des journalistes et d'autres acteurs de la société civile à Goma et a demandé que leur sécurité soit assurée. Türk a également mis en garde contre un risque accru de violences sexuelles et de genre, ainsi qu'une montée des appels à la haine sur des bases ethniques, notamment contre des personnes « perçues comme appartenant à la communauté Tutsie ou considérées comme des traîtres ». Par ailleurs, la Mission des Nations unies pour la stabilisation en RDC (Monusco) a accueilli ces derniers jours un grand nombre de personnes cherchant refuge. Parmi eux, il y a notamment des éléments armés ayant rendu les armes, a indiqué la Représentante spéciale adjointe du Secrétaire général chargée de la protection et des opérations de la Monusco, Vivian van de Perre, lors d'une réunion du Conseil de sécurité sur la situation en RDC Van de Perre, qui s'exprimait par visioconférence depuis Goma, a noté que les bases de la Monusco ne sont pas en mesure d'accueillir un tel nombre de personnes. Elle a notamment expliqué que le bataillon uruguayen de la Mission s'est retrouvé avec environ 1 200 soldats de la RDC et leur équipement à l'intérieur de son camp, et plus d'un millier d'autres devant ses portes. Les capacités de la Mission mises à rude épreuve. Selon la Représentante spéciale adjointe, cet afflux met à rude épreuve les ressources de la Monusco, d'autant plus que les réservoirs d'eau ont été endommagés pendant les combats. Plusieurs bases de la Mission ont été visées par des obus de mortier et des balles au cours des trois derniers jours, selon Van de Perre. Manque d'approvisionnement Les combats de la semaine dernière ont également gravement entravé les convois d'approvisionnement de la Monusco, a-t-elle poursuivi. De nombreux Casques bleus de la Mission sont désormais à court d'équipements essentiels, en particulier d'eau, de nourriture, de fournitures médicales et de sang, a précisé la Représentante spéciale adjointe. Dans certains camps, les pénuries de carburant ont rendu les générateurs inutilisables, affectant le matériel de communication. Van de Perre a par ailleurs déclaré qu'un nombre important de civils a cherché refuge dans les camps de la Monusco. Ces derniers sont en manque de nourriture, d'eau et de soins médicaux. L'entrepôt de la Monusco à l'aéroport a été pillé, de même que le palais de justice de Goma, a ajouté la responsable, avant de confirmer que le M23 et les forces rwandaise ont bel et bien pris le contrôle de l'aéroport international de Goma. « Nous pensons que Goma est tombée », a quant à elle déclaré la porte-parole du PAM en RDC, Shelley Thakral. La porte-parole a indiqué que le personnel essentiel du PAM demeure sur le terrain, mais ne pourra reprendre ses opérations d'aide que lorsque la situation sécuritaire se sera améliorée. La principale préoccupation de l'agence est la pénurie alimentaire, liée notamment aux risques de hausse des prix de la nourriture. Thakral a rappelé que, pour les résidents de Goma pris au piège par les combats, les événements des derniers jours viennent s' ajouter aux nombreux autres défis d'une région confrontée en permanence à des crises sanitaires telles qu' Ebola et la variole, mais également à l'insécurité alimentaire. « Leur résilience va être mise à l' épreuve encore davantage au cours des prochaines 24 heures ». «Ils vont devoir rassembler toute leur énergie et toutes leurs réserves », a indiqué la porte-parole du PAM en RDC. Avant même la flambée de violence récente, Mme Thakral a rappelé que plus de 5 millions de personnes avaient été déplacées dans les trois régions de l'est de la RDC que sont l'Ituri, le Nord-Kivu et le Sud-Kivu. «Nous n' avons toujours pas de chiffres concernant ce nouvel exode », a-t-elle reconnu. «Au cours des deux derniers jours, certains ont pu fuir chez des proches ou passer la frontière avec le Rwanda, d'autres ont pu tenter de joindre des zones du Nord et du Sud-Kivu jugées plus sûres », a expliqué la porte-parole, qui s'exprimait par visioconférence depuis Kinshasa.