A l'issue de trois journées des plus sanglantes dans l'histoire du pays, l'Egypte est au bord de la guerre civile, de la déchirure irréparable. Déjà 700 morts, selon un bilan officiel provisoire, et la spirale de la violence ne semble pas s'arrêter. Le bras de fer partisans pro-Morsi - Pouvoir militaire continue. Beaucoup d'indices font croire que l'Egypte se dirige vers la guerre civile. Les Frères musulmans ont appelé leurs partisans à redescendre tous les jours dans les rues dès ce samedi à travers l'Egypte, malgré la mort d'au moins 700 personnes depuis mercredi dernier dans des affrontements entre manifestants islamistes et forces de l'ordre. De nouvelles violences ont éclaté hier, vendredi, décrété «jour de colère» par la confrérie islamiste, qui dénonce le renversement, le 3 juillet, du président Mohamed Morsi, issu de ses rangs et élu un an plus tôt. «Notre rejet du régime putschiste est devenu une obligation islamique, nationale et éthique à laquelle nous ne pourrons jamais renoncer», affirment les Frères musulmans, accusés par leurs détracteurs d'avoir tenté de verrouiller le pouvoir à la suite de leurs succès électoraux après le renversement d'Hosni Moubarak par la rue en février 2011. Hier, vendredi, une cinquantaine de personnes sont mortes au Caire et plus de 20 autres à Alexandrie, la deuxième ville du pays, selon des sources proches des services de sécurité. Des coups de feu d'armes automatiques ont résonné durant tout l'après-midi à travers la capitale, survolée par des hélicoptères de l'armée. Au moins un bâtiment public a été incendié et continuait de flamber dans la nuit malgré l'accalmie constatée dans les rues du Caire, soumise à un couvre-feu nocturne comme plusieurs autres provinces du pays. La confrérie islamiste a annoncé une série de manifestations quotidiennes au cours des six prochains jours à partir de samedi alors que le gouvernement a donné l'autorisation aux forces de sécurité de tirer à balles réelles pour se défendre et protéger les bâtiments publics. C'est ainsi qu'aucun compromis ne semble se dessiner et l'Egypte, pays le plus peuplé du monde arabe, paraît menacée par une polarisation croissante entre partisans et adversaires des Frères musulmans.» La Télévision d'Etat use pour sa part d'un langage réservé autrefois aux islamistes radicaux tels que ceux d'Al Qaïda. Elle présente ainsi les événements en cours avec le bandeau «L'Egypte combat le terrorisme». Dans un communiqué, le gouvernement dit lutter contre «le projet terroriste des Frères musulmans». La confrérie islamiste ne cesse de proclamer le caractère pacifique de sa contestation, mais on pouvait voir hier, vendredi, au Caire, des hommes armés tirer des coups de feu dans les rangs des partisans de Mohamed Morsi. Un responsable des services de sécurité a fait état d'au moins 24 policiers tués au cours des 24 heures précédentes et de 15 commissariats attaqués. D'après des témoins, des partisans de Mohamed Morsi ont aussi saccagé une église catholique et ont incendié une église anglicane. Dans un communiqué, l'Eglise copte a déclaré vendredi «soutenir fermement la police et les forces armées égyptiennes». Trois journalistes tués Trois journalistes ont été tués, le 14 août en Egypte, en couvrant les affrontements entre forces de l'ordre et partisans de l'ex-président Mohamed Morsi, et plusieurs autres ont été blessés, menacés ou interpellés, a rapporté hier ,vendredi, Reporters sans frontières (RSF). Deux journalistes égyptiens, le reporter Ahmad Abdel Gawad et le photojournaliste Mosab Al-Shami, ont été tués, mercredi, au Caire. Ces deux décès s'ajoutent à celui du cameraman britannique de Sky News, Mick Deane, précise RSF dans un communiqué. La répression des manifestations pro-Morsi a fait près de 600 morts, mercredi, et encore plusieurs dizaines vendredi. Mercredi, le reporter du quotidien égyptien Al-Akhbar, Ahmad Abdel Gawad, a été mortellement touché par balles. Mosab Al-Shami, photojournaliste de Rassd News Network (RNN), média alternatif créé lors de la révolution égyptienne, aurait été tué par des tirs de sniper. Le même jour, au moins six reporters ont été blessés par balle, dont un cameraman de la chaîne Al-Jazeera, Mohamed Al-Zaki, et un photographe de l'agence Associated Press, indique RSF. Par ailleurs, Reuters a annoncé que l'une de ses photographes avait reçu une balle dans la jambe. Dans un tweet rapporté par le site Huffington Post, un cameraman d'Al-Jazeera indique qu'on lui a tiré dessus depuis un véhicule blindé et affirme que des journalistes ont été pris pour cible par des militaires. Interrogé à ce sujet, RSF est resté très prudent. «Des journalistes ont été visés dans des cas de menaces ou d'interpellation, mais pour les tirs il est extrêmement difficile d'évaluer s'ils ont été pris pour cible», a commenté une porte-parole. Les forces de l'ordre ont également interpellé de nombreux reporters et photographes égyptiens et étrangers, les empêchant de couvrir la violente dispersion des sit-in pro-Morsi. Les forces de l'ordre comme les partisans des Frères musulmans ont aussi, à plusieurs reprises, confisqué le matériel des journalistes, souligne RSF. 1 004 islamistes arrêtés Le ministère égyptien de l'Intérieur a annoncé, ce matin, que la police a arrêté 1 004 partisans supposés des Frères musulmans lors d'une nouvelle journée de violences meurtrières, vendredi, entre partisans du président déchu, Mohamed Morsi et forces de l'ordre. «Le nombre d'éléments des Frères musulmans arrêté a atteint 1 004, dont 558 au Caire», a précisé le ministère dans un communiqué publié au lendemain d'une nouvelle journée de violences qui ont fait plus de 80 morts selon des sources officielles et des témoins. Cette journée a été marquée par des scènes de guerre inédites, au Caire notamment, avant que les manifestations ne cessent une heure après l'entrée en vigueur du couvre-feu nocturne. Face à l'escalade des violences et à la radicalisation des deux camps, tout fait craindre que le pays - sous état d'urgence - bascule dans le chaos. La présidence va parler cet après-midi Le bureau du président égyptien tiendra une conférence de presse à 15 heures, a annoncé Al-Jazeera. La conférence pour «expliquer la situation» aura lieu au Palais d'Héliopolis au Caire, où l'entrée sera apparemment accessible à toute la presse étrangère avec ou sans accréditation. Une mosquée investie ce matin Des soldats égyptiens ont pénétré, ce samedi matin, dans une mosquée du Caire où sont retranchés de nombreux partisans du président islamiste déchu Mohamed Morsi, sans recourir à la force. Cette intervention qui est survenue au lendemain de la journée d'une nouvelle journée de violences dans le pays qui s'est soldée par la mort d'au moins 83 personnes et alors que les pro-Morsi entendent poursuivre leurs manifestations pour protester contre un assaut des forces de l'ordre lancé, mercredi dernier, contre leurs deux campements du Caire qui a tourné au carnage. La chaîne privée égyptienne, ONTV Live, a montré des images de soldats entrant dans la mosquée Al-Fath du centre du Caire, alors que la télévision Al-Jazeera Egypte diffusait sur son site internet des images de militaires à l'intérieur de l'édifice religieux. Les soldats semblaient négocier avec les manifestants pour qu'ils quittent la mosquée. Une manifestante à l'intérieur de la mosquée a déclaré par téléphone que les protestataires demandaient à ne pas être arrêtés, ou attaqués par des civils hostiles qui se sont rassemblés devant la mosquée. La police avait débuté hier, vendredi, au soir, le siège de la mosquée, où seraient réfugiés près d'un millier de personnes, selon le témoignage d'un autre manifestant. Des coups de feu ont été échangés au début de siège mais ont ensuite cessé, selon des manifestants.