Avis - Nacera Belaza est une chorégraphe, l'artisane du mouvement, la ciseleuse du geste. Elle est Française, d'origine algérienne. Sa part d'algérianité, elle la revendique notamment à travers le travail qu'elle mène avec autant de sensibilité que d'intelligence. Car ses compositions chorégraphiques sont la combinaison parfaite du sensitif et de l'intellect. La danse est sa passion, passion qu'elle nourrit depuis son enfance. «J'ai toujours fait de la danse, depuis toute petite», raconte-t-elle, et de poursuivre : «Très jeune, je sentais que c'était mon moyen d'expression. C'est quelque chose pour moi de vital. Plus tard, au fil du rythme, à force de danser, de grandir, de prendre conscience et d'observer les autres arts, je suis partie vers la danse contemporaine, vers une écriture du mouvement.» Celle pour qui la danse atteint un degré d'abstraction estime que la danse contemporaine est «la liberté du corps, d'écriture et de parole que n'ont pas les autres danses parce qu'elles sont trop codifiées, trop enfermées dans des normes et des théories». Nacera Belaza revendique son appartenance à l'Algérie notamment à travers sa compagnie – elle porte son nom – qui initie une démarche à la fois pédagogique et artistique, puisqu'elle intègre dans ses projets le talent algérien. Le cercle est l'un de ses projets qu'elle mène entre les deux rives de la Méditerranée, entre la France et l'Algérie. Elle associe à ses projets des danseurs algériens. Cette pièce, Le cercle, a été présentée, hier, sur les planches du Théâtre national algérien Mahieddine-Bachtarzi et ce, dans le cadre de la 5e édition du Festival international de la danse contemporaine. Cette performance chorégraphique est un duo masculin dans un programme époustouflant où les corps vibrant dans leur ensemble, sont dans un tourment perpétuel. Conduits par une chorégraphie minutieusement réglée, les danseurs ont donné l'impression d'exécuter dans une spontanéité absolue des mouvements incontrôlés, voire anarchiques avec une gestuelle qui partait dans tous les sens, faisant montre de leur professionnalisme et de la qualité de maîtrise supérieure de Nacera Belaza qui a réussi à mettre des repères dans le néant du désordre. S'exprimant sur sa création, Nacera Belaza dit : «Cette pièce a été créée, en partie, en Algérie, elle est pétrie de l'énergie qu'il y a ici. C'est la représentation d'une décharge de sensations provenant de différentes situations de vie subies et accumulées à travers le temps.» Si cette chorégraphie semble bruyante, énergique, forte et avec du caractère, ses autres compositions se révèlent souvent silencieuses. «Je suis obsédée par le silence», dit-elle, et d'expliquer : «Dans mon travail, j'essaie toujours d'aller au-delà du mouvement, de la musique. Quand on arrive à faire entendre le silence et tendre l'oreille du spectateur vers le silence, même s'il y a du son sur scène, je crois que le travail en question est réussi. La danse s'écoute plus qu'elle ne se regarde. Je plonge dans la danse pour chercher le silence, cette espèce de son continu. La danse est une musique qui donne l'impression d'entendre le silence. Je crois que le silence est une réponse à beaucoup de ce qu'on attend en tant qu'être humain.» D'une chorégraphie à l'autre, Nacera Belaza s'intéresse au mouvement ; celui-ci constitue sa principale préoccupation artistique : elle en fait son objet de création et une recherche d'une forme nouvelle d'esthétique. Nacera Belaza, qui estime que la danse ne raconte pas d'histoire, qu'elle suggère plutôt des émotions et révèle l'imaginaire, s'exprimera à propos de son rapport au mouvement. «Le mouvement n'est pas dans ce qui anime le corps, il est dans tout le travail. Le mouvement académique tel qu'il est construit dans le corps ne m'intéresse pas.» Et à la question de savoir s'il existe une différence entre un mouvement féminin et un autre masculin, Nacera Belaza répond : «Je travaille avec les hommes exactement comme je travaille avec les femmes. Les composantes du mouvement sont les composantes qui nécessitent la nature de l'homme et celle de la femme.»