Tension - Fort du soutien de Washington, le Japon a vertement réagi ce matin à la décision de Pékin de tenter d'imposer sa loi dans les airs au-dessus de la mer de Chine orientale. Ainsi, le Premier ministre Shinzo Abe a parlé de décision «dangereuse». Interrogé sur cette «zone d'identification de la défense aérienne» annoncée par Pékin, avant-hier, samedi, M. Abe a été direct : «je suis très inquiet car c'est une chose très dangereuse qui peut conduire à un incident imprévisible», a-t-il déclaré devant le Sénat. Le même jour, le ministère chinois de la Défense avait précisé que dorénavant tout appareil s'aventurant dans cette «zone d'identification» devrait fournir son plan de vol précis, afficher clairement sa nationalité, et maintenir des communications radio permettant de «répondre de façon rapide et appropriée aux requêtes d'identification» des autorités chinoises, sous peine d'intervention des forces armées. La carte diffusée par le ministère chinois montre nettement que la zone en question couvre une grande partie de la mer de Chine orientale, entre la Corée du Sud et Taiwan, et englobe l'archipel des Senkaku, des îles inhabitées sous contrôle japonais mais revendiquées par Pékin sous le nom de Diaoyu. Hier, dimanche, le ministre japonais des Affaires étrangères, Fumio Kishida, avait parlé de «geste unilatéral» et évoqué le «risque d'événements imprévisibles dans la zone». Tokyo a clairement indiqué qu'il n'entendait pas se plier à cette zone d'identification «qui n'a aucune validité pour le Japon», selon le ministre des Affaires étrangères. Ces «jeux» dangereux en mer de Chine orientale inquiètent visiblement au plus haut point les Etats-Unis, principal allié et protecteur du Japon. Depuis Genève, le secrétaire d'Etat John Kerry a dénoncé hier, dimanche, une «décision unilatérale» et averti qu'«une escalade ne fera qu'accroître (...) le risque d'un incident». M. Kerry a «instamment» demandé à Pékin de ne prendre aucune mesure de rétorsion contre des appareils qui pénètreraient dans cette zone. Depuis plus d'un an, les relations sino-japonaises sont au plus bas du fait du rachat par l'Etat nippon de trois des îles Senkaku à leur propriétaire privé japonais en septembre 2012. Cette décision avait mis en furie Pékin et provoqué une semaine de manifestations antijaponaises, parfois violentes, à travers l'Empire du milieu. Depuis lors, la Chine envoie régulièrement des navires de garde-côtes dans les eaux territoriales de l'archipel, pour «marquer» son territoire, ainsi que parfois des avions. En décrétant une «zone d'identification aérienne», Pékin ne se contente visiblement plus de «tester», voire narguer Tokyo en envoyant des garde-côtes, mais tente d'imposer un contrôle de fait dans cette région maritime, au moins dans les airs. Dans l'escalade verbale en cours avec Tokyo, le quotidien chinois Global Times, proche du pouvoir, a averti ce lundi que la Chine «avait toutes les raisons et la légitimité à établir sa propre zone de défense aérienne». Avec un avertissement à la clé : «si le Japon envoie des appareils militaires intercepter des chasseurs chinois, les forces armées de Pékin seront contraintes de prendre des mesures défensives d'urgence». Fin octobre, suite à une énième patrouille chinoise autour des Senkaku, le ton était déjà très nettement monté de part et d'autre. Pour la première fois depuis l'aggravation il y a un an de leur conflit territorial, Pékin et Tokyo avaient employé des mots puisés dans le registre de la guerre.