Souvenir - En 1916, Saâdia n'a que trois ans lorsque son père a été terrassé par une terrible maladie. La vue de sa mère se lacérant le visage et hurlant telle une bête blessée, ne la quittera jamais. C'est cette image insoutenable qui la hantera jusqu'en 1989, lorsqu'elle s'éteint à l'hôpital Mustapha d'Alger. L'histoire de Saâdia n'est pas fictive. Elle est réelle comme la misère et les malheurs qui ont, de tout temps, collé aux robes des montagnardes pourtant striées et bariolées aux couleurs d'un soleil qui ne semble exister que pour les autres. Taos, la mère de Saâdia, qui n'avait que vingt ans à la mort de son mari, était très belle. Tellement belle qu'elle ne mit pas longtemps à se remarier. Son nouveau mari avait la particularité d'être à cheval sur certains «principes». C'est ainsi qu'il dit aux parents de la jeune veuve : «J'épouse votre fille, mais je ne veux pas de sa fille !». Il voulait, en agissant de la sorte, isoler la malheureuse femme de son passé. Et c'est en larmes que Taos a quitté ses parents et sa petite fille pour aller fonder un autre foyer. La petite Saâdia pleurait aussi, mais ses grands-parents, dans un premier temps, parviennent à la consoler en lui expliquant que sa mère était seulement partie ramasser des olives et qu'elle ne tarderait pas à revenir. Mais le soir venu, ne la voyant pas revenir, elle explosa de nouveau. Alors, ils durent la bercer jusqu'au lever du jour. Ils avaient même dû ruser avec elle pour lui faire avaler un peu de nourriture. La petite fille vécut les premiers jours qui avaient suivi le remariage de sa mère avec l'espoir quotidien de la voir revenir avec une grosse corbeille d'olives. Et, chaque matin, elle demandait à sa grand-mère : « C'est aujourd'hui que maman revient ?» Et la vieille femme, en guise de réponse, la serrait très fort dans ses bras pour qu'elle ne voie pas ses larmes. (A suivre...)