RESUME : Au fil du temps, la relation entre Daya et sa belle-famille s'est améliorée. Ils apprécient à sa juste valeur l'aide financière qu'elle leur apporte. Mais l'argent n'est pas tout. Plus de quinze ans après, elle n'a toujours pas d'enfant. Kheïra décide de remédier à la situation. Elle veut que son fils se remarie. - Comment ? Daya a l'impression de vivre un cauchemar. Se pourrait-il que c'en est un ? Elle ferme les yeux. Le temps de quelques secondes, espérant qu'en les rouvrant, elle ne verra plus sa belle-mère. Ce qu'elle a vu et entendu ne sera plus qu'un mauvais souvenir. Mais en rouvrant les yeux, elle tombe sur le regard scrutateur de sa belle-mère. Elle semble attendre une réaction ou une réponse de sa part. Kamel, qui est aussi présent, évite de la regarder dans les yeux. Daya voit bien qu'il est gêné et son regard fuyant n'est pas pour lui plaire. Elle n'est pas rassurée. - Mets-toi en tête que je n'ai rien contre toi, dit Kheïra. Si au début je n'ai pas supporté l'idée qu'il se soit marié sans notre bénédiction, le temps a changé nos sentiments. Tu es une belle-fille pleine de qualités humaines. J'espère que tu comprends que… que tu pourrais t'entendre avec l'autre et que tu pourrais même en élever un ! Il n'y aura que du bon dans ce remariage ! Il suffit que tu acceptes ! - Accepter ? Mais qui voudrait d'une rivale ? Quelle femme accepterait de partager avec une autre son mari, son foyer ? réplique Daya, en se levant. Comment pouvez-vous penser et attendre de moi que j'accepte ? - Parce que… que Kamel doit se remarier, insiste sa belle-mère. Ce serait bien que tu le laisses refaire sa vie sans histoire ! Tu dis l'aimer, alors, prouve-le lui ! - Ne parlez pas de sentiments dans cette situation, rétorque Daya. Et puis, rien ne prouve que ce soit moi qui suis stérile ! J'ai suivi des traitements tandis que lui a refusé même d'aller en consultation ! Kheïra a une grimace et secoue la tête avant de prendre le parti de son fils. - Mon fils stérile ! C'est impensable ! Le problème est en toi et non en lui ! Aucun homme dans la famille n'a rencontré de problèmes de ce genre ! Tandis que toi, tu tiens cette incapacité de ta mère ! - à t'entendre, c'est une tare ! Mes parents ont été soignés, lui rappelle Daya. Et ils m'ont eu ! Tandis que Kamel refuse de se soigner sous prétexte qu'il m'aimait et que le fait de ne pas avoir eu d'enfant ne sera jamais un problème ! C'est ce que tu disais Kamel ! Dis-le à ta mère ! Qu'elle l'entende de ta bouche ! Ainsi j'aurais la paix… Mais Kamel ne dit rien. Il détourne la tête n'osant pas la regarder. Daya n'en revient pas. - Tu es d'accord avec elle ? demande-t-elle sans attendre de réponse de sa part. J'en déduis que vous en avez déjà parlé. Et moi qui te faisais confiance ! - Ma fille, il faut comprendre que… Mais Daya refuse d'en entendre plus. Elle va à la chambre et claque la porte. Elle s'y adosse et donne libre cours à ses larmes. Elle n'en revient toujours pas. Elle réalise, le cœur brisé, que sa grand-mère n'avait pas tort. Elle avait vu juste. Si aujourd'hui, sa belle-mère avait réussi à convaincre Kamel à se remarier, ce n'est pas parce qu'elle n'avait pas eu d'enfant mais parce que leur relation était maudite depuis le début. Elle enrage lorsqu'elle se rappelle les avertissements de sa grand-mère. Pourquoi ne l'a-t-elle pas écoutée ? Elle ne serait pas à se demander quoi faire, qui croire ? Daya ne veut pas croire qu'il puisse vouloir refaire sa vie. Il a été l'unique amour de sa vie, elle a été tout pour lui. Il ne peut pas prendre une seconde femme uniquement pour que sa mère ait des petits-enfants. Elle espère que s'il s'est gardé de donner son avis, c'est pour ne pas contrarier sa mère. Elle a tellement foi en lui et en leur union, qu'elle ne peut s'empêcher de l'imaginer en train de raisonner sa mère. - Imbécile, se dit-elle, en essuyant ses larmes. Comment ai-je pu douter après tout ce qu'on a vécu. Après ce qu'on a traversé, ce n'est pas sa mère qui va chambouler notre vie parce qu'elle veut des petits-enfants ! Daya attend un peu avant de sortir de la chambre. Elle est surprise de trouver le salon vide. Elle va se rafraîchir le visage puis se rend à la cuisine où elle se prépare une boisson chaude. Elle retourne au salon, avec sa tasse à la main quand la porte d'entrée s'ouvre derrière elle. Kamel est rentré. Il a un sourire forcé. Il évite son regard. - Je l'ai emmené à la station de taxis… - Ton père n'appréciera pas qu'elle rentre seule, lui fait-elle remarquer. Tu aurais dû la raccompagner à la maison ! - Mon frère attendait dehors. Ça va ? lui demande-t-il. - Pourquoi cela n'irait pas ? Parce que ta mère veut une femme plus jeune et capable d'assurer ta descendance ? Non, tout va bien, lui affirme-t-elle. Tant qu'il n'y a pas de remariage, bien sûr ! Le temps de s'asseoir, elle se rend compte qu'il lui tourne le dos et qu'il regarde dehors. Il a le visage fermé. Si elle ne le connaissait pas aussi bien, elle l'aurait pris pour un étranger. La tasse lui glisse des doigts et se renverse sur les genoux. Elle ne sent pas la brûlure. Juste le froid qu'il y a entre elle et lui. A. K. (À suivre)