Des millions de personnes, de différentes couleurs, religions et ethnies, se sentent orphelines aujourd'hui avec la disparition de Nelson Mandela. Figure emblématique universelle de la lutte contre toutes les formes d'injustice et de discrimination, ce grand homme à la frêle silhouette et au sourire inoubliable, réalise ce que personne n'a pu, ni ne pourra faire : rassembler le monde dans une seule pensée et une seule prière. Pour lui. Il a promis que son infatigable combat pour la réconciliation et contre le racisme resterait une source d'inspiration. Premier parmi les grands de ce monde, Barack Obama a annoncé sa venue aux obsèques du héros planétaire de la lutte pour la liberté la semaine prochaine. Il y retrouvera de très nombreux dirigeants internationaux. Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon a salué en lui «une source d'inspiration» pour le monde entier. Le monde du sport, auquel Mandela était très attaché, n'était pas en reste : «Grâce à son extraordinaire vision, il a réussi à faire de la Coupe du monde de rugby 1995 un instrument pour favoriser l'émergence d'une nation, juste un an après les premières et historiques élections démocratiques en Afrique du Sud», a rappelé le président de la Fédération sud-africaine de rugby Oregan Hoskins. Au Brésil, qui accueillait hier, le tirage au sort du prochain Mondial de football, l'émotion était immense également : «Il était mon héros, mon ami, mon compagnon dans la lutte en faveur de la cause du peuple et pour la paix dans le monde», a écrit sur son compte Twitter Pelé, la légende du football brésilien. Une image sur grand écran de l'ex-président sud-africain et héros de la lutte anti-apartheid est apparue en ouverture de cet événement. Le pape François a loué pour sa part «l'engagement tenace montré par Nelson Mandela pour promouvoir la dignité humaine de tous les citoyens de la nation et forger une nouvelle Afrique du Sud basée sur les fermes fondations de la non-violence, de la réconciliation et de la vérité». Etats-Unis et Iran, Chine et Dalaï Lama, Palestiniens et Israël, ont souvent usé des mêmes mots pour lui rendre hommage. Plus étonnants pour un ancien chef d'Etat, les hommages venus du monde de l'économie, des défenseurs de la nature, de l'Unicef, et de bien d'autres organisations de la société civile dénotaient le charisme d'un homme qui avait fait de la compassion et de l'écoute de l'adversaire son mode de gouvernance. Les militants de la lutte contre le sida lui ont notamment exprimé leur gratitude pour avoir contribué à «briser la loi du silence» et les préjugés autour de cette maladie mortelle. En Afrique du Sud, dès l'annonce du décès, des centaines de personnes de toutes origines se sont rassemblées dans la nuit près de sa maison de Johannesburg. L'ambiance n'était pas au recueillement mais à la célébration, avec des chants anti-apartheid ou à la gloire de Madiba, repris en chœur par la foule qui agitait des drapeaux et scandait parfois «Viva Mandela» ou «Longue vie à Mandela». Avec Cuba : une amitié basée sur la lutte anti-apartheid La mort de Nelson Mandela est ressentie avec une «profonde douleur» à Cuba, un des premiers pays où s'était rendu le leader sud-africain après sa sortie de prison afin de remercier son ami Fidel Castro pour son soutien militaire à la lutte contre l'apartheid. Trois jours de deuil national ont été décrétés et le président Raul Castro a présenté, avec «une profonde douleur», ses condoléances «les plus sincères» au peuple sud-africain pour la perte de cet «ami intime» de Cuba. Retiré du pouvoir depuis 2006 pour des raisons de santé, Fidel Castro, 87 ans, n'avait pas réagi hier, vendredi, 24 heures après le décès de l'ancien président sud-africain. Dans un message envoyé à son «prestigieux ami» en juillet 2010 pour ses 92 ans, Fidel Castro avait souligné qu'il représentait un «symbole de la liberté, de la justice et de la dignité humaine». Les relations entre Nelson Mandela et Fidel Castro remontent au début des années 70, alors que le leader sud-africain est emprisonné et que Cuba soutient son parti, le Congrès national africain (ANC). Mais le grand tournant date de 1975, lorsque Cuba commence en Angola une épopée militaire qui durera 15 ans. Dans toutes les écoles de Cuba, un hommage a été rendu hier au leader sud-africain. Pas de danse, chemises et sourire : la magie Mandela Une aura de grandeur et de simplicité mais aussi un pas de danse inimitable, des chemises colorées et un sourire désarmant : la «magie Madiba», du nom de clan de Nelson Mandela, était passée dans le langage courant en Afrique du Sud. Le monde a gardé l'image du premier président noir de l'Afrique du Sud démocratique, se livrant, à l'issue de la solennelle cérémonie d'investiture de mai 1994, à quelques pas de danse. La longiligne silhouette, raidie par les ans et la captivité mais indéniablement dans le rythme, l'immense sourire. Le «Madiba jive» (le swing Madiba) était né. Repris par les radios, copié par les amuseurs publics. Pas un meeting, une conférence du Congrès national africain (ANC) ou une visite d'école où le président, puis l'ex-président, n'ait été invité à s'exécuter. Indissociables du personnage, aussi, les «Madiba shirts». Un assortiment infini d'amples chemises de soie multicolores d'un tailleur d'Abidjan, portées par-dessus le pantalon, allongeant encore la silhouette. Un bonheur de photographes, malgré l'interdiction des flashes en raison de ses yeux abîmés par le travail dans la carrière de craie de l'île-bagne de Robben Island. «Aucun autre président au monde n'a eu un tel impact sur la mode», affirmait un magasin sud-africain de prêt-à-porter dans un encart. Les anonymes se recueillent Bougies, bouquets, portraits géants de Mandela, drapeaux sud-africains, chants et danses: de Pékin à New York en passant par Londres, des anonymes ont rendu hommage au héros de la lutte anti-apartheid qui a démontré «qu'un homme pouvait changer le monde». Au fin fond de la Chine, dans la province centrale du Hunan, des étudiants ont déposé des fleurs devant une photo du premier président noir sud-africain sur le campus de Hengyang. A Londres, devant l'ambassade où se sont réunis sans faillir pendant des années les opposants au régime de l'apartheid, un groupe de Sud-Africains, de toutes origines, entonne un chant traditionnel en chaloupant. Sur Parliament Square où trône une statue de bronze de Mandela face au parlement, un autre rend hommage à celui «qui a enseigné à la planète qu'un homme peut changer le monde». A Paris, le ministère des Affaires étrangères a déployé un imposant portrait de Mandela, souriant tout en saluant de la main, à moins qu'il ne s'agisse plutôt d'un signe d'adieu. A Canberra, des inconnus ont aussi déposé des fleurs sur la pelouse de l'ambassade sud-africaine. Tout comme à Bruxelles. En Nouvelle-Zélande, le musée de la guerre d'Auckland s'est paré des couleurs de l'Afrique du Sud, vert, rouge, bleu, jaune, noir et blanc. Et aux Etats-Unis, sur Times Square, des messages ont annoncé, sur les écrans lumineux, la mort d'un «homme vraiment grand». La Révolution algérienne une source d'inspiration majeure La Révolution algérienne,a représenté une inspiration particulière pour Nelson Mandela, car, a-t-il expliqué, dans ses mémoires intitulés sobrement Le long chemin vers la liberté, elle était le «modèle le plus proche du nôtre, parce que (les moudjahidine algériens) affrontaient une importante communauté de colons blancs qui régnait sur la majorité indigène». Lors de sa visite au Maroc en 1961, Nelson Mandela passa «plusieurs jours» avec le représentant du Gouvernement provisoire de la Révolution Algérienne, GPRA. Mandela a été ensuite convié à Oujda où il a rendu visite à une unité combattante de l'Armée de libération nationale (ALN) sur le front. «A un moment, se souvenait-il, j'ai pris une paire de jumelles et j'ai vu des soldats français de l'autre côté de la frontière. J'avoue que j'ai pensé voir des uniformes des forces de défense sud-africaines». Deux jours plus tard, Mandela a été invité à assister à un défilé militaire en l'honneur de l'ancien président, Ahmed Ben Bella, à sa libération de prison. En tête du cortège défilaient «des vétérans fiers et aguerris» portant «des armes qu'ils avaient utilisées au début de l'insurrection : des sabres, de vieux fusils à pierre, des haches et des lances». Ils étaient suivis de «soldats plus jeunes et tout aussi fiers» dotés d'armes modernes. «C'était une armée de guérilla composée de combattants qui ont gagné». A sa libération, le 11 février 1990, après 27 années d'incarcération, Nelson Mandela avait tenu à se rendre à Alger en reconnaissance au soutien apporté par l'Algérie à la lutte du peuple sud-africain contre l'apartheid. Les drapeaux algériens en berne L'Algérie a décidé la mise en berne des drapeaux pendant huit jours à partir d'hier, vendredi, suite au décès de l'ex-président sud-africain Nelson Mandela, a indiqué une source officielle. Nelson Mandela est mort jeudi soir à son domicile à Johannesburg, à l'âge de 95 ans, des suites d'une longue maladie.